Pour le dernier jour du « Printemps des Artistes » je vous parlerai de ce film indien de 1958, « Le Salon de musique » de Satyajit Ray (1921-1992), qui est le quatrième réalisé par ce cinéaste, et qui est parait-il inspiré du roman indien éponyme de Tarasankar Bandyopadhyay, écrivain que je n’ai pas lu.
Note Pratique sur le Film
Genre : Drame, Film musical
Nationalité : Indienne
Première date de sortie en salles : 1958
Noir et Blanc
Durée : 1h33
Résumé de l’intrigue initiale
Biswambhar Roy appartient à la caste des zamindar, des nobles propriétaires terriens, mais sa passion pour les festivités musicales et les magnifiques réceptions ne s’accordent pas tellement avec ses difficultés financières. Bien qu’il aille droit vers la ruine, il n’en continue pas moins à donner de superbes concerts dans son beau salon de musique. Surveillant de près l’éducation de son fils unique, qui doit normalement lui succéder, il veille à développer également son goût musical. Mais, les choses ne vont pas se passer comme Roy l’avait prévu.
Mon Avis
L’année dernière ou la précédente, j’avais déjà vu et chroniqué ici des films de Satyajit Ray : La Trilogie d’Apu, et j’étais heureuse de retrouver, avec ce « Salon de Musique » l’univers de ce réalisateur, son esthétique raffinée, son humanisme et son sens de la psychologie très affûté. Il y a d’ailleurs une ressemblance certaine entre le héros du « Salon de musique » et le personnage du père de famille dans « La Complainte du sentier » car tous les deux vivent dans l’orgueil de leur caste, dans une sorte de fantasme passéiste, ce qui leur fait perdre complètement le sens des réalités, et en particulier des réalités financières.
Le héros du « Salon de musique » est issu d’une caste aristocratique, il est très fier de sa haute lignée, de ses nobles ancêtres dont il aime admirer tous les portraits alignés dans son salon, mais il ne se rend pas compte que le train de vie luxueux, normalement dévolu à sa caste et perpétué par ses ancêtres, n’est absolument plus dans ses moyens et entraîne tout bonnement sa ruine.
Ici, la musique est associée à la paresse et à l’hédonisme des classes privilégiées, celles qui peuvent organiser des concerts chez elles, payer des musiciens de grand talent, recevoir de nombreux invités, riches ou puissants, pour étaler devant eux un luxe insolent.
Car le héros du « Salon de musique » est certainement mélomane mais il est, encore davantage, orgueilleux, vaniteux, et la seule envie de donner un concert encore plus beau que celui de son riche voisin, Mahim Ganguly, le self-made-man, le pousse à des dépenses excessives.
La rivalité entre ces deux voisins est d’ailleurs intéressante : si Roy représente une Inde traditionnelle, respectueuse des modes de vie passés, où la hiérarchie des castes est conservée, Ganguly représente au contraire la « modernité », le progrès technique et social, il écoute parfois de la musique occidentale (face à laquelle Roy se bouche les oreilles), il est un riche parvenu qui ne doit rien à ses ancêtres…
Roy nous apparaît comme un personnage décadent, le dernier représentant d’une lignée en total déclin. Nostalgique d’une splendeur passée et réprouvant l’époque présente, il préfère s’enivrer de vapeurs de narguilé, de chants et de rêveries.
Ce film offre également trois ou quatre spectacles de très belle musique indienne, dont le dernier est accompagné d’une danseuse extrêmement vive, agile et gracieuse.
J’ai regretté parfois que les paroles de ces musiques ne soient pas traduites dans les sous-titres, car j’ai pensé que ces paroles pouvaient avoir une relation avec l’histoire, sans certitude.
Un très beau film !