Festival Art Rock 2023, Editors et Imany , Grande Scène, Saint-Brieuc, le 28 mai 2023
michel
Art Rock: jour 3
De sérieux embarras de circulation t'attendent à Saint-Brieuc, pour atteindre la gare tu n'hésites pas à commettre quelques bénignes infractions car des déviations fantaisistes, des routes bloquées et puis une file imposante face à l'entrée VIP freinent ton ardeur.
Ouf, il est 17:58', t'es au poste, Imany doit débuter à 18h.
Un coup d'oeil au podium, un micro au milieu de la scène et, si tu montes sur la pointe des pieds tu aperçois des tabourets à l'arrière, pas de batterie, ni de guitare, de claviers, pas d'amplis, le vide!
Arrivée d'une troupe de musiciens, cagoulés et recouverts d'une tenue blanche, façon Ku Klux Klan, ils trimballent tous un violoncelle, Imany les suit de près, enfin, on suppose qu'il s'agit de la chanteuse de Martigues, aux origines comoriennes, car elle est couverte de la tête aux pieds d'une tunique immaculée, ce n'était pas l'équipement d'un apiculteur, mais ça avait toutes les caractéristiques d'une burqa.
Les prémices du spectacle Voodoo Cello sont lancées, car il ne s'agit pas d'un banal concert mais d'une véritable performance artistique, mariant musique, chorégraphie et théâtre.
Distribution probable:IMANY, chant Rodolphe Liskowitch, Julien Grattard, Octavio Angarita, Lucie Cravero, Bohdana Horecka, Laure Magnien, Polina Streltsova et Leonore Vedie: cello!
Chorégraphies de Gladys Gambie & Thierry Thieû Niang!
'Concrete Jungle' de Bob Marley & The Wailers ouvre le set, la voix grave et imposante d'Imany s'immisce dans ton cerveau et tes tripes, les cordes plaintives transforment le reggae en gospel symphonique, la mise en scène nous en jette plein les yeux.
La troupe enchaîne sur ' Take me to the church' d'Hozier , t'as cru voir des anges danser sur les sanglots longs des violoncelles, qui se lèvent au compte-gouttes, avant de reprendre leur place initiale.
Ils se dévoilent pour se regrouper dans un coin, formant un tableau saint, similaire à une peinture baroque de Matthijs Voet, en tapotant leurs instruments, ils entament le majestueux et prophétique 'Les voleurs d'eau' d'Henri Salvador, chanté d'un timbre incantatoire par Imany.
Joaquín Rodrigo dans l'approche musicale, Saint-Brieuc se tait et prie!
Disparition momentanée de la chanteuse, partie enfiler une tenue scintillante, les cellos à la manière d' Apocalyptica lancent les premières notes de 'Creep' de Radiohead et quand la voix s'est élevée tu t'es mis à trembler comme un peuplier, secoué par un vent glacial.
Direction la forêt tropicale pour admirer le ' Dance Monkey' de Toni Watson, aka Tones and I, ce ballet simiesque, envoûtant, se termine en prestation de derviches tourneurs survoltés.
Les musiciens forment une ligne et attaquent ' Believer' d'Imagine Dragons en mode requiem, Beethoven, pourtant sourd, a applaudi à tout rompre!
Voodoo Cello défend la liberté, clame la chanteuse , avant d'entamer l'immense morceau de Black, ' Wonderful Life', repris par tout Saint-Brieuc.
Chaque titre interprété te refile des frissons, vu ton âge avancé et les plus de 4000 concerts auxquels tu as assisté, tu te dis que celui -ci se placera assurément dans le top ten!
D'une amorce vigoureuse, le groupe ébauche 'You will never know' , un morceau qu'Imany a enregistré en 2011, l'hymne s'achève sur une danse folle.
Le leader des cellistes lance 1, 2 - 1,2,3, c'est parti pour 'All the things she said' de Tatu, qui cogne dans ton cerveau comme le suggèrent les lyrics.
T'as tendance à vouloir comparer les voix , ici c'est à Grace Jones ou à Nina Simone que tu penses.
'The A-team' d'Ed Sheeran voit le leader de la troupe transformé en batteur, puis vient une nouvelle claque monumentale reprise par toute la place, 'I'm still standing' d'Elton John, joué en pizzicato lors de l'amorce.
Et ce show extraordinaire s'achève par ' 'Don't be so shy' qu'elle a écrit en 2014, de la house music aux violoncelles, si, si, c'est possible.
OK, on ne l'a pas suivie quand elle a dit .. Take off your clothes, blow out the fire, don't be so shy... finalement, nous sommes restés timides, mais on s'est dit la prochaine fois peut-être!
Personne ne l'a contredit!
La seule fois où tu as vu le band de Birmingham, c'était aux Halles de Schaerbeek, en octobre 2007, comme tu avais vu Interpol peu avant, tu avais penché pour le groupe de New-York, des précurseurs quand on mentionne le post-punk revival.
En 2023, le band compte six membres, Tom Smith (lead vocals, guitar, piano), Russell Leetch (bass guitar, backing vocals), Ed Lay (drums, percussion, backing vocals), Justin Lockey (lead guitar), Elliott Williams (keys, synthesizers, guitars, and backing vocals), and Benjamin John Power (electronics).
Les trois premiers étaient à Bruxelles en 2007.
Leur dernier disque ' EBM' date de 2022 et, comme tu peux le supposer, le groupe a introduit pas mal d'éléments électroniques dans son post-punk.
Au vu du concert à Saint-Brieuc, on ne criera pas au scandale, le son Editors n'a pas été altéré par l'apport électronique, le band a présenté un show dense, homogène, très pro, fidèle à son image, quoi!
Le drummer envoie du très lourd dès l'entame, Russell de son petit doigt appuie à fond sur une pédale, synthés et programming envoient un tourbillon sonore, ' Strange intimacy' est sur les rails, il faut attendre nonante secondes avant de voir Tom Smith entrer en action, il utilise un micro frelaté pour déformer sa voix.
Tom Smith est remonté à bloc, pendant tout le show il multipliera les poses acrobatiques, gesticulant et tirant des grimaces pour le plus grand plaisir du bataillon de photographes, Russell, souriant, s'amusera à jeter une trentaine de plectres dans le public, les autres demeurent posés.
Une guitare pour Tom et une attaque cinglante, le plus ancien 'An end as a start' a ravi les fans des débuts.
Avec 'Heart Attack' , on revient à l'electronic body music, c'est marrant d'entendre Editors faire du Front 242, mais ça marche.
La guitare métallique s'immisce dans la tourmente électro, les effets sont sidérants, la voix de Tom Smith surplombe la tornade.
Il passe derrière le piano pour une autre vieillerie ' The racing rats' , des rongeurs cavalant plus vite que des lévriers.
Retour à la guitare pour le charismatique leader, l'hymne 'Karma Climb' avec le refrain ...And if you don't know what you're feeling you'll never know, go, give it away ... est lâché.
Editors a la bonne idée de passer du dernier album aux morceaux plus anciens, le brassage doit contenter nouveaux fans et premiers adeptes, ainsi ils enchaînent sur 'Sugar', au rythme binaire. Basse massive et guitares mordantes sont là pour t'assommer.
'Hallelujah ( so low) démarre comme une semi-ballade, très vite le ton monte et le morceau part crescendo, la gestuelle de possédé du frontman attire tous les regards, la musique,elle, t'écrase.
Avec le scandé et fébrile ' Picturesque', c'est à nouveau du Editors en mode The Prodigy que le public encaisse.
Une cover, pas si étonnante, pour suivre, ' Killer' de Seal, un des highlights du set... Solitary brother (brother) is there still a part of you that wants to live? Solitary sister (sister) is there still a part of you that wants to give?..
Bordel, ça fait du bien de pouvoir gueuler ce refrain!
Retour en 2005 avec ' Munich' , peaking at number 10 in the UK singles charts, un must!
Une ballade pour suivre, Elliott derrière le piano, 'Ocean of night' calme les esprits et c'est avec l'épique 'Papillon' que le groupe met un terme à une performance, réglée jusque dans les plus petits détails.
Un regret, une heure seulement pour un groupe du calibre de Editors c'est court.
Grosse bousculade pour quitter les lieux, la fourmilière de fans d'Hamza afflue, des pieds sont écrasés, des poitrines comprimées, des cris à peine étouffés fusent, faut essayer de sortir vivant de ce champ de bataille,il y a peu de chances que tu puisses assister au début du show de Silly Boy Blue.