C’est aussi à cette époque qu’on commença à sceller les amphores contenant le vin avec de la résine pour les rendre imperméables, ce qui transforma involontairement le goût du vin. Mais en raison du succès de cette nouveauté on poursuivit jusqu’à nos jours en ajoutant pendant sa fermentation des morceaux de résine au vin blanc. Quant il est fait selon les règles de l’art, le Retsina est très appréciable avec les mezzés traditionnels du début de repas.
Il faut aussi évoquer le Tsikoudia (c’est le nom crétois du raki) qui est une eau-de-vie à base de raisin, qui se boit glacé … à longueur de repas et bien que les verres soient miniatures je doute que ce soit un élément du régime crétois.
On trouve la bouteille posée sur la table et il faut prendre garde à ne pas confondre cette boisson avec de l’eau parce qu’aucune étiquette n’indique sa composition. Symbole de générosité, il est le plus souvent de fabrication artisanale et de ce fait les arômes peuvent varier d’un endroit à l’autre.
Le rakomélo est une variante spécifiquement crétoise, que j’aurais volontiers dégusté. C’est un raki parfumé au:miel et aux épices comme la cannelle et la cardamome qui serait plutôt adapté à la fin d’un repas.
Il y a aussi l’ouzo, réalisé à partir de marc de raisin, parfumé de graines d’anis, qui s’apparente au pastis français.
Je savais, avant d’arriver en
Crète, que les plus anciens vignobles se trouvent au nord où les vignes bénéficient d’un climat tempéré du fait des influences de la mer. La région de Sitia est en effet l’une des zones vinicoles les plus importantes de l’île.Les vieux cépages crétois sont le roméiko, le kotsifali, le liatiko et le ladikino pour les rouges. Le vilana, le plyto, le vidiano, le malvasia et le moshato pour les blancs (figurent en gras ceux que j’ai découverts).Je ne pouvais pas le savoir mais, à chaque repas, c’est une carafe anonyme qui était posée sur la table, si bien que je n’ai pas vraiment acquis de connaissances en matière de vins crétois.Cependant, au début de mon séjour, j’ai participé à la dégustation de deux vins, un blanc et un rouge, produits par le monastère de Toplou qui est réputé pour faire l’un des meilleurs vins de l’île (le blanc en particulier). Jusque là je n’avais jamais dégusté de vin de cette provenance, malgré l’immense choix proposé lors d’une journée de présentation de vins grecs organisée par les frères Mavrommatis il y a quelques semaines (on ne peut pas tout connaître …). Je n’avais donc aucune référence pour me permettre de juger.Ce fut une brève halte, qui permit toutefois de voir quelques-unes des richesses patrimoniales du monastère (qui feront l’objet d’une publication spécifique) et de voir l’extérieur de ce moulin à vent qui témoigne de son utilisation autrefois pour moudre les grains ou remonter l’eau des nappes phréatiques en particulier sur ce plateau de Lassithi. La plupart des édifices ont désormais disparu mais il faut imaginer combien ils étaient nombreux autrefois, tournant avec le vent qui, lui, continue de souffler. Hélas, personne ne songea à nous faire entrer dans le moulin pour en apprécier l’ancien dispositif de broyage ni à nous faire visiter le chai où les moines procèdent à la vinification au moyen d’installations qui seraient hautement modernes.Leur raki et leur huile d’olive biologique constituent également des produits d’excellente qualité. Et j’aurai l’occasion dans quelque jours d’évoquer leur huile.La vigne est millénaire en Crète et on voit des pieds partout, même si en terme de nombre ils sont moins nombreux que les oliviers, cela va de soi. On en trouve même à l’entrée du site de Knossos.Mais revenons au premier vin, un blanc du nom de Gerto (qui signifie courbé) dont le nom lui a été donné en raison de la déformation des ceps. Nous verrons qu’il y a une histoire derrière chaque étiquette. Ce vin tire son caractère sauvage et exotique du caractère unique de la nature crétoise orientale où les arbres se penchent, obéissant au vent et à l’intense sécheresse estivale. Le monastère de Toplou a été pionnier dans la renaissance des gammes de vins locaux et la culture biologique de ce cépage crétois Thrapsathiri qui offre des vins splendides et excitants. Si la culture est revendiquée être biologique on remarque malgré tout que l’étiquette mentionne la présence de sulfites. Il s’accorde avec les mezzes traditionnels de la table crétoise.Ensuite un rouge IGP Lasithi (vin bio mais l’étiquette mentionne là encore la présence de sulfites) d’une magnifique couleur andrinople. C’est le nom d’un pigment rouge ancien, dit aussi rouge turc. Il tire son nom de la ville d'Andrinople, aujourd'hui Edirne, en Turquie.L'inscription du Linos (pressoir à vin) du monastère, construit en 1709, est la preuve que la variété indigène Liatiko a été cultivée dans les vignobles du monastère de Toplou. Jusqu'à nos jours, cet ancien vin rouge crétois est traité biologiquement et mis en bouteille avec une grande expertise dans la cave du monastère, en mettant l'accent sur ses caractéristiques uniques.Son étiquette est marquée de la lettre qui signifie lambda en grec, correspond à la première lettre de son nom.Comme je le mentionnais plus haut, on trouve le vin essentiellement en pichet (souvent très décoratif) dans les tavernes, et dans ce cas il est de production artisanale. Le rouge tire alors sur le brun et il est probable que son degré d’alcool soit plus élevé en alcool qu’un vin classique (entre 13% et 14%).Voici un exemple de blanc (il est plus fréquent) et de rouge en pichet :J’ai pensé que je pouvais compléter cet article par le compte-rendu d’une dégustation à laquelle j’ai participé à mon retour, le jeudi 25 mai, autour de deux vins crétois, et de deux autres chypriotes.De droite à gauche, et dans l’ordre de dégustation, - IGP Crète, domaine Lyrarakis, Dafni, Psarades - IGP Paphos Xynisteri, domaine Ezousa 2020- IGP Crète domaine Lyrarakis, Liatiko, 2022- IGP Pitsilia, domaine Tsiakkas, Vamvakada 2019Le domaine Lyrarakis se trouve près de Rethymno. La particularité du vignoble est de connaître un climat chaud avec des influences maritimes, sur un relief varié, des sols sablonneux, limoneux, sachant que les parcelles ne sont pas irriguées et se situent à une altitude de 500 mètres, dans le vignoble du village de Psarades, en cuvée parcellaire.La cave a été fondée par la famille Lyrarakis en 1966 et est située dans la partie montagneuse de la zone Peza, dans le village d'Alagni. Les pressoirs en pierre du XIVe, parfaitement conservés, témoignent de ce voyage œnologique unique dans le temps.Comme presque toujours en Crète ce vin est monocépage, Dafni signifie en crétois laurier et ce domaine est le premier à avoir mis ce cépage en valeur car dès le début, la famille Lyrarakis a décidé de se consacrer au sauvetage et à la renaissance de rares variétés indigènes de Crète comme celle-ci.J’ai goûté un cru 2020. On note immédiatement un premier nez d’agrume, de citron qui donnent un côté frais et désaltérant, puis arrivent les parfums de garrigue et en final on ressent des arômes mentholés évoquant le pin et achevant d’affirmer la personnalité de ce vin. 10% proviennent de vendanges précoces pour en garantir le côté vert, mais malgré tout très fruité, comme la plupart des blancs crétois.La bouche confirme les excellentes impressions du nez. Il pourrait presque être considéré comme un parfum. On peut le boire à l’apéritif ou le recommander sur une salade, un poisson, des fruits de mer… Il sublimerait une volaille par son côté citronné et ses arômes de garrigue.Restons dans le blanc, mais partons à Chypre dans le domaine Ezousa, du nom de la rivière qui coule dans la région de Kannavi. Les vignes s’étendent sur des coteaux calcaires à plus de 700 mètres d’altitude dans la région de Paphos, dans l’ouest de l’île, ce qui lui vaut la qualification IGP Paphos.On remarquera la sobriété de l’étiquette qui ne mentionne l’année que par deux chiffres, 20 et qui surprend par la présence d’un animal, la grenouille. Il faut croire qu’on aime les animaux dans le monde hellénique car ils figurent souvent sur les bouteilles. Celle-ci est dans une gamme de tons verts qui promettent la fraîcheur et pourtant le vin se révélera être dans la même tonalité que le précédent.Il s’agit à 100% d’un cépage chypriote noble, le Xynisteri. Les arômes dominants sont la pomme verte, la pêche, l’ananas et les fleurs blanches, tenant à la fois du frais et du confit parce qu’ils sont plaisants et discrets. En bouche, il est fruité avec une acidité équilibrée et une nuance crayeuse. Ce vin s’accordera plutôt sur des volailles ou un poisson servi avec une sauce un peu relevée mais il conviendra également à des salades composées, des fromages frais, des feuilletés aux légumes variés comme on les fait si bien en Crète.Passons aux rouges avec d’abord un second vin en provenance lui aussi du domaine Lyrarakis qui propose (comme à Toplou) un Liatiko 100% (comme à Toplou), lui aussi vegan car ce domaine n’emploie que des colles végétales.C’est un vin de couleur rouge, mais très clair, qui pinote comme on dirait en Alsace et qui est le vin estival par excellence. Les arômes font penser à la confiture de fraise, à des petits fruits rouges et à une cerise noire, kirschée. Mais je perçois aussi des notes épicées de muscade.Ce cépage est à la mode parce qu’il n’est pas trop puissant. De fait, la bouche est intense mais équilibrée et les tanins sont agréablement fondus. Il sera idéal sur des viandes rouges.En dernier lieu un rouge chypriote du domaine Tziakkas fondé en 1988 par Costa et Marina Tsiakkas. C’était un des premiers domaines familiaux à voir le jour, le vignoble chypriote de l’époque étant dominé jusque là par quatre grandes entreprises viticoles. Les fils Tsiakkas ont entretemps rejoint leur parents, Orestis s’occupant principalement de la vinification tandis qu’Hector prend soin des parcelles de vignes du domaine.Il se situe vers Larnaka dans la région de Pitsilia (qui bénéficie d’une IGP), berceau de la famille Mavrommatis. Les vignes poussent à des altitudes élevées, de 1000 m et sont cultivées en terrasses sur un sol volcanique sablonneux.Ce vin est issu à 100% Vamvakada (Baybakada en grec). C’est le nom que porte le cépage chypriote Maratheftiko dans la région où est installé le Domaine Tsiakkas. Ce nom pourrait se traduire par "cotonneux" et provient de l'apparence des feuilles de ce cépage qui ont un aspect cotonneux en raison du petit duvet blanc qu'elles comportent. Ce duvet contribue à la résistance à la sécheresse de ce cépage qui est parfaitement adapté au climat chaud et sec de Chypre.Ce sont les14 mois de vieillissement en fut de chêne qui lui donne cette couleur rubis mais il reste en velours, pas trop tannique. Au nez il exhale des arômes de cerise, violette, cardamome mais on percevra des notes boisées de chêne, voire de champignon et de cuir lui conférant élégance et finesse. On comprend qu’il soit très apprécié ey on peut directement l’imaginer sur l’agneau.Il a une très belle persistance en bouche, qui justifie peut-être le choix de l’escargot pour figurer sur l’étiquette.Je termine avec un verre d’eau glacée sur une note sucrée avec une spécialité de Drama, petite ville de Macédoine où l’on réalise ces biscuits sablés saupoudrés de sucre glace qui sont servis traditionnellement au jour de l'An. C’est le kourabies qui accompagne les encore plus traditionnels melomacaronas sur les tables pendant les fêtes de Noël.** *Article écrit suite à une mission d’affaires regroupant des acheteurs spécialisés en produits alimentaires, grossistes et distributeurs et quelques journalistes, coorganisé par l’ambassade de Grèce en France avec la participation du Bureau économique et commercial afin de promouvoir le programme européen pour les produits AOP et AOC de Crète.Les photos de la dernière dégustation ont été prises au restaurant Le Laurier, la dernière création d’Andreas Mavrommatis, 60 Champs-Élysées à Paris dont j’avais déjà eu l’occasion d’apprécier la cuisine, les vins et l’accueil.
Enfin il convient de rappeler que la consommation d’alcool doit s’effectuer en toute modération.