J'imagine que comme nombre de professionnels de la vigne et du vin je reçois régulièrement les publications de Vitisphère et y parcours les dernières nouvelles concernant mon environnement professionnel.
Car ce site se présente comme un "Site d'information, de mise en relation, de e-services pour les
professionnels de la vigne, de l'oenologie, du commerce et du marketing
du vin, ...".
Ces derniers jours ont conduit jusqu'à mes écrans quelques publications ébouriffantes.
L'une d'entre elles est titrée "Le Conseil d’État relance la plus petite AOC des vins de Bordeaux" et peut être lue en suivant ce lien.
Passons sur le fait que le Conseil d'Etat ne relance pas la plus petite AOC mais demande à l'INAO, pour des questions de forme et non pas de fond, de reprendre l'étude du dossier demandant à transformer le Château Le Puy en AOP.
Il est en effet reproché à l'INAO d'avoir rejetté cette demande sur le fond avant d'en avoir examiné la forme.
Ah, les joies de la procédure ...
Mais rien que de très habituel au pays de Courteline.
Rien, donc, qui justifie un billet sur ce blog.
Si ce n'est que la suite est savoureuse.
Dictature de l'INAOEn dehors des aspects technique, Jean Pierre Amoreau défend une vision pour le moins rebelle des appellations. « En ce qui nous concerne, nous avons toujours défendu les AOC/AOP et nous continuerons à les défendre malgré elles en espérant que la carte, un jour, redevienne fidèle au territoire » écrit-il, ajoutant qu’« aujourd'hui, la dictature de l'INAO oblige les vignerons à aromatiser leurs vins aux pesticides et aux insecticides en écartant les vins élaborés naturellement dans la libre tradition du bon goût ».
Pardon ?
"La dictature de l'INAO oblige les vignerons à aromatiser leurs vins aux
pesticides et aux insecticides en écartant les vins élaborés
naturellement dans la libre tradition du bon goût" ?!
Sérieusement ...
Si cette tirade n'était pas avant tout indigne, elle serait grotesque.
Donc la dictature de l'INAO ?
Rien que çà ...
Et, pour faire bonne mesure, une dictature visant à l'obligation des pesticides et des insecticides pour aromatiser les vins ?
Mais quelle honte ! quelle honte ...
Pas la pseudo dictature hein ? mais d'oser dire, puis imprimer et diffuser ces âneries !
Mais quelle obligation ?
Où, quand et comment s'est-elle manifestée ?
En outre, rappelons que cet énorme foutage de gueule de l'aromatisation des vins aux pesticides remonte à une facétie relativement récente de Messieurs Séralini et Douzelet que j'évoquais, à sa sortie, dans ce billet.
Quand à la libre tradition du bon goût, s'il s'agit de Brettanomyces sp. et de ses phénols volatils : merci bien mais ce sera sans moi.
Car je dois bien avouer que les quelques fois où j'ai goûté les vins du Château Le Puy je n'ai pas été impressionné par sa pure expression du terroir mais plutôt par ses notes animales dûes aux dites Brett. Une expression en effet très libre, mais dont je me passe volontiers.
Mais je reconnais de bon gré qu'il s'agit là d'un goût et d'un jugement très personnels que l'on est donc tout à fait libre de ne pas partager.
Et puis j'ai peut-être un palais en zinc et les Brett s'il y en a dans le vin c'est qu'elles viennent de ma cave, ainsi que me l'affirmait un vigneron très imaginatif et au vin plein de vie.
La fin est à l'unisson :
Dans son livre, Jean Pierre Amoreau indique que « le "lien au terroir" de l'AOC/AOP "le Puy" est unique, car son lieu est unique, son climat est unique, la patte du vigneron de père en fils est unique : les vins obtenus à partir de vignes ayant un rendement volontairement faible, sans apport d'engrais de synthèse et sans utilisation de molécules de synthèses, c'est-à-dire sans utilisation d'herbicides, désherbants, pesticides ou insecticides. Ils sont vendangés manuellement avec tri à la grappe au moment de la cueillette pour éviter les effets de l'ochratoxine. Ils sont obtenus à partir d'une vendange égrenée à 100 % depuis 1921. Ils sont obtenus à partir d'une fermentation unique en son genre dans la région, dite "par infusion", sans aucun ajout de levure exogène, ni de sucre (chaptalisation), ni d'anhydride sulfureux ou de quelque ajout que ce soit. Ils sont le résultat d'une thermorégulation très ciblée. Ils sont obtenus par un élevage en dynamisation dans des fûts expérimentés selon les cycles de la lune. Ils sont mis en bouteilles sans ajout d'anhydride sulfureux et sans filtration durant une vieille lune. »
Quelques remarques :
1.
Mais que vient faire l'Ochratoxine dans cette histoire ??
Sur ce sujet on pourra lire ou relire un de mes vieux billets se penchant sur les composés du vin qui sont indésirables.
Ca se passe juste là.
Rappelons simplement que l'OTA (Ochratoxine A) est une mycotoxine, produite par Penicillium et Aspergillus, et que selon la dose aborbée et la durée de l'exposition elle est cancérigène, néphrotoxique et immunodépressive.
Excusez du peu.
Dans quels vins risque-t'on en rencontrer ?
Dans ceux issus de zones où il y a conjonction d'humidité, de soleil et de températures élevées (les zones méditteranéennes sont donc particulièrement exposées. Y compris à quelques dizaines de kilomètres du littoral (on parle en effet d'humidité marine)).
En zone à risque, lutter contre le ver de la grappe est un bon moyen d'éviter les blessures des baies et donc le développement des microorganismes enrichissant les raisins et les vins en OTA. Mais forcément si on se l'interdit ...
2.
Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'une "thermorégulation très ciblée" peut bien être.
Mais çà a l'air trop cool.
3.
L'infusion c'est trop cool aussi.
Surtout quand elle est "unique en son genre".
Très évocateur.
Rassurant, même. Avec ce petit côté rebelle tellement sexy.
Ah, le charme des bad boys ...
4.
A ce stade, l'"élevage en dynamisation"est indispensable et doit forcément s'achever par une mise en bouteille "durant une vieille lune". Evidemment sans soufre.
Quant à savoir en quoi et pourquoi tout ce fatras est à même de justifier la création d'une AOP ...