Jean – Marc Bullet est designer. Son jeune parcours est déjà très dense. Né en 1980 à la Martinique, diplômé successivement de l’ESAD, École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg en paysagisme et de l’ENSCI- les Ateliers, École Nationale Supérieure de Création Industrielle à Paris, directeur artistique d’une agence de design en Chine en 2016 et 2017, professeur de design au Campus Caribéen des arts de Martinique, fondateur de l’entreprise Bullet et associés, il évoque aujourd’hui son projet Presqu’une île inscrit et produit dans le programme Mondes nouveaux du Ministère de la Culture. Mondes Nouveaux est un vaste programme de commandes artistiques initié en 1921 pour soutenir la création fragilisée lors de la pandémie de covid.
Presqu’une île, le site
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Presqu’une île, le site
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Jean – Marc Bullet, designer
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Presqu’une île, l’ouïe
L’éveil : diffusion des sons nocturnes captés dans la mangrove
Presqu’une île, l’ouïe
L’éveil : diffusion des sons nocturnes captés dans la mangrove
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Premier dispositif, l’ouïe avec l’Éveil
Au départ, comme dans tous mes projets, il y a le questionnement sur la réalité de la mangrove Ce que je voulais, c’était éveiller le public aux enjeux et aux problématiques de la mangrove. Donc, pour L’Éveil, je me suis posé la question Qu’est-ce qu’on entend, la nuit, dans la mangrove ? La plupart d’entre nous, fréquentons la mangrove de jour mais la vie nocturne y est bien différente.
Je me suis associé avec Fabienne Pélage, designer sonore, pour capter des sons et les rediffuser en journée. On entend les sons nocturnes de la mangrove mais on entend aussi les sons de l’autoroute au loin. Cela permet de montrer au public la pression humaine sur la mangrove en raison de la proximité du réseau routier. Le support est une accumulation de calebasses ouvertes pour retranscrire symboliquement l’impression que les sons viennent de partout. Et l’interactivité, le détecteur de mouvements qui déclenche la diffusion de l’enregistrement est gérée par Michel Pétris.
Second dispositif, l’odorat
A quoi ressemblerait un parfum fabriqué à partir des odeurs de la mangrove ? C’est Rachana Nossin, l’un des rares nez de Martinique qui y répond. Nous avons fait de nombreuses balades, nous avons de capté les odeurs, par exemple les odeurs des feuilles, l’odeur de la terre et Rachana a connecté ces odeurs avec ce qu’elle pouvait reproduire chimiquement. En voilà la restitution avec Martine Baker, Victor Anicet et Miguelle Colibeau.
Diffuseur du parfum Mangrove
Conception Jean- Marc Bullet, Réalisation Martine Baker
Presqu’une île, l’odorat
Diffuseur du parfum Mangrove
Conception Jean- Marc Bullet, Réalisation Martine Baker
L’œuvre réalisée en collaboration avec Martine Baker se présente sous la forme d’une grappe de tubes qui contiennent le parfum conçu Rachana Nossin. Cette fragrance a pour nom Mangrove et sera bientôt commercialisée. Pour ce qui concerne la forme, je me suis inspiré des petits coquillages qui se fixent sur les racines de palétuviers. Je pense que des objets que j’avais vus en Afrique qui n’ont rien à voir avec les coquillages mais dont je trouvais les formes intéressantes m’ont aussi en partie inspiré.
Dans la version définitive, certains tubes ont un bouchon. À la conception, il n’y avait pas de bouchon. Et là, on touche au cœur de ce qu’est le design, adapter au contexte. Au départ, j’avais conçu des quilles poreuses. Le passage de la brise suffisait à diffuser la fragrance. Mais le service de l’Environnement m’a fait remarquer que l’odeur pouvait gêner les animaux qui ont besoin de chasser ou qui ont besoin de se reproduire. Donc, il fallait adapter, ce que l’on a fait, en émaillant l’intérieur et en conservant certaines quilles vides. Il n’y a que celles qui ont des bouchons qui sont remplies de parfum. Il faut donc s’approcher et soulever le bouchon. Autre détail qui a nécessité une modification, dans le premier projet, une corde passait à travers toutes les quilles. Pour en changer une, il fallait tout défaire. Le projet initial a donc été transformé et maintenant, lorsqu’on veut en enlever une – il y a des serflex – on peut le faire sans tout démonter.
Presqu’une île, l’odorat
Diffuseur du parfum Mangrove
Conception Jean- Marc Bullet, réalisation Victor Anicet
Presqu’une île, l’odorat
Diffuseur du parfum Mangrove
Conception Jean- Marc Bullet, réalisation Victor Anicet
Toujours dans le dispositif de l’odorat, la proposition de Victor Anicet. Quatre contenants, le premier pour la note de fond, le second pour la note de tête, le troisième pour la note de cœur et le dernier pour la fragrance Mangrove. On reconnaît les motifs traditionnels inspirés des amérindiens de Victor Anicet.
Cette intrusion du White Cube, des plots blancs, de prime abord discordants dans le contexte naturel surprend
Je l’ai fait volontairement parce j’avais envie de ce déplacement du musée vers la mangrove .
Presqu’une île, l’odorat
Diffuseur du parfum Mangrove
Conception Jean- Marc Bullet, Réalisation Miguelle Colibeau
Presqu’une île, l’odorat
Diffuseur du parfum Mangrove
Conception Jean- Marc Bullet, Réalisation Miguelle Colibeau
Presqu’une île, l’odorat
Diffuseur du parfum Mangrove
Conception Jean- Marc Bullet, Réalisation Miguelle Colibeau
Miguelle Colibeau, une céramiste qui travaille à Saint-Pierre a réalisé la troisième proposition liée à l’olfactif. Je voulais faire un clin d’œil à l’un des plus petits serpents du monde. C’est un petit serpent que je voyais dans mon jardin, le leptotyphlops. Je n’avais pas conscience que c’était un serpent. Il ressemble un ver de terre. C’est de l’impression 3D en résine, et les assiettes sont, elles, en céramique. Il y a trois couleurs de terre différentes : il y a la terre blanche, pour Martine Baker, la terre rouge pour Victor Anicet et cette terre noire volcanique, pour Miguelle Colibeau.
La ruche flottante
Croquis Jean- Marc Bullet
La ruche flottante
Croquis Jean- Marc Bullet
Presqu’une île, la ruche flottante connectée
" data-orig-size="2048,1536" sizes="(max-width: 1024px) 100vw, 1024px" data-image-title="" data-orig-file="https://aicasc.files.wordpress.com/2023/05/img_4647.jpg" data-image-description="" data-image-meta="{"aperture":"4.5","credit":"","camera":"Canon PowerShot SX710 HS","caption":"","created_timestamp":"315533017","copyright":"","focal_length":"14.372","iso":"125","shutter_speed":"0.001","title":"","orientation":"1"}" data-medium-file="https://aicasc.files.wordpress.com/2023/05/img_4647.jpg?w=300" data-permalink="https://aica-sc.net/?attachment_id=25715" alt="" srcset="https://aicasc.files.wordpress.com/2023/05/img_4647.jpg?w=1024 1024w, https://aicasc.files.wordpress.com/2023/05/img_4647.jpg 2048w, https://aicasc.files.wordpress.com/2023/05/img_4647.jpg?w=150 150w, https://aicasc.files.wordpress.com/2023/05/img_4647.jpg?w=300 300w, https://aicasc.files.wordpress.com/2023/05/img_4647.jpg?w=768 768w" class="wp-image-25715" data-large-file="https://aicasc.files.wordpress.com/2023/05/img_4647.jpg?w=750" />Presqu’une île, la ruche flottante connectéeTroisième dispositif, le goût
Le miel récolté dans cette ruche expérimentale comblera le troisième sens, le goût. Ce projet expérimental répond aussi à questionnement. Avec le réchauffement climatique et la montée des eaux, le métier d’apiculteur, en tout cas d’apiculteur des mangroves, sera amené à évoluer. À partir de cette idée-là, j’ai proposé un radeau sur lequel il y a trois ruches connectées. L’apiculteur peut contrôler le poids de la ruche (il peut voir s’il y a du miel ou pas), il peut contrôler la position de la ruche (au cas où le radeau dérive), ainsi que le taux d’humidité (parce qu’il y a des endroits où il peut y en avoir). C’est un point important parce que ça peut tuer la colonie d’abeilles. C’est encore expérimental, toutes les difficultés ne sont pas résolues, les ondes, les vibrations de l’eau pourraient gêner la production de miel.
Quatrième dispositif, le toucher
Le 3 juin, dans le cadre d’une performance nous allons replanter des palétuviers avec une association qui s’appelle Lespri Lasotè. C’est vraiment expérimental. Le lasotè est une pratique agricole traditionnelle de travail de la terre en groupe et en musique. Il a pour vertu de solidariser une communauté. En appliquant cette pratique à la mangrove nous proposons de planter une zone déforestée et contribuer à transmettre un savoir faire et créer du lien social.
Cela correspond bien à ma conception de la mission du designer, c’est rôle de liant de deux acteurs qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble- ici la ville du Lamentin et l’association – Le liant est apporté par l’idée, par l’art et par le design, ça me plaît.
C’est pour ça que l’idée de collaboration, de partenariat, c’est quelque chose qui traverse mon travail. C’est chronophage mais je vis la contrainte comme un atout parce que ça améliore le projet, et en design c’est comme ça qu’on travaille. Sans contrainte, on ne conçoit pas un projet de design pertinent, parce que la contrainte prend en compte les problématiques du contexte, des acteurs, des parties prenantes,
Il y a dans le projet Presqu’une île des actions de sensibilisation à la nature, les bruits, les odeurs, et puis il y a des projets comme la ruche, la nurserie ou le Lasotè qui relèvent davantage d’une tentative de riposte contre la détérioration du milieu naturel. La ruche flottante expérimente une solution pour les apiculteurs des mangroves. Et la nurserie ?
La nurserie
Croquis Jean- Marc Bullet
Presqu’une île, la nurserie -céramique et métal
Conception Jean- Marc Bullet
Réalisation Martine Baker et Michel Petris
La nurserie, c’est une structure en céramique, un habitat de substitution que les petits animaux colonisent. C’est de la céramique – la partie en céramique a été faite avec Martine Baker. À la base, quand j’ai écrit le projet, il devait être fait en impression 3D pour montrer comment la technologie humaine peut aider la nature. Nous avons réalisé un premier modèle en impression 3D qui n’était pas forcément concluant, et pour respecter les délais, Martine Baker a réalisé la structure en céramique pour qu’elle soit plus solide. Le cintrage a été exécuté par Michel Pétris. Ce que je voulais, c’était reprendre formellement la typologie du palétuvier pour que le projet s’intègre au milieu, et l’idée du métal et de la rouille crée des aspérités pour que des animaux ou des micro-organismes puissent venir se fixer comme sur des racines de palétuviers.
Je vois que tu travailles beaucoup en collaboration, même pour ce Projet Presqu’île. Comment s’organise cette collaboration avec différents artistes ou différents professionnels d’autres secteurs, la création d’un parfum par exemple ?
Ce sont des artisans que j’avais déjà rencontrés auparavant. Quand j’ai vu leurs travaux, je les ai gardé dans un coin de ma tête en me disant que le travail était intéressant ; puis quand l’opportunité se présente, je leur propose une collaboration. Je leur expose le projet déjà dessiné assez formalisé en 3D et chacun apporte sa touche, donc c’est quand même ouvert
Aujourd’hui, à quoi ressemble ta vie professionnelle ? Tu as créé Bullet & Associés, tu pars de résidence, tu as développé le projet Presqu’une île, ça s’organise comment ta vie professionnelle depuis que tu es rentré en Martinique ?
Financièrement, je gagne ma vie comme consultant en design, j’assure des formations en design auprès du CNFPT, Centre national de la fonction publique territoriale. Former des agents territoriaux au design, me permet de comprendre aussi ma pratique, de l’expliquer de manière concise et claire à des personnes qui ne connaissent pas ce domaine. C’est très formateur pour les agents territoriaux et pour moi.
C’est, de plus, du design pour le service public. A côté, j’ai créé Héritage des îles, une entreprise il y a un an et demi. C’est une entreprise familiale où on fabrique des tisanes – des tisanes fabriquées à partir du jardin. Nous cultivons, préparons, emballons les plantes et commercialisons sur un site Internet, sur les marchés, à des épiceries fines et nous exportons également vers l’Hexagone.
Je me suis demandé comment je pouvais m’épanouir à travers ce projet d’entreprise familiale et j’ai choisi de créer un rituel autour de la tisane, donc de ne pas seulement fabriquer des tisanes, mais aussi fabriquer des tasses, des théières, tout ce qui va autour de la dégustation de la tisane.
Par exemple, pour les théières, j’ai proposé à Victor Anicet de collaborer à ce projet pour la fabrication des théières et des tasses. L’idée, c’est de voir aussi quels artisans peuvent travailler localement avec nous sur ce projet-là.
Tu pars bientôt en résidence à la Villa Albertine à New York pour deux mois ?
Pour deux mois, en 2024. La résidence a pour objectif un inventaire de designers afro-caribéens et Afro-Américains sous la forme d’interviews et des podcasts afin d’analyser comment ils injectent leur culture dans leur travail.
L’idée, c’est à terme d’inspirer des jeunes issus de la Caraïbe, des Antilles et d’ailleurs, parce que ce n’est pas un métier qui est forcément connu dans la population d’origine afro-américaine et africaine de manière générale, donc je me suis très motivé par ce projet.
En ce moment, je travaille pour une entreprise qui édite des meubles et ils ont fait cette année appel à plusieurs artistes, des designers africains, afro-américains, afro-caribéens, dont moi.
Ce qui m’a un peu choqué, c’est que j’avais l’impression qu’ils voulaient que je fasse du Black Design. Or cela ne correspond pas à mon mode de fonctionnement. Quand je fais du design, je ne me pose pas la question de mes origines, mais j’ai quand même joué le jeu et ça m’a poussé à faire des recherches sur mon histoire. Mais je trouvais que ce qui manquait, c’est la rencontre avec les autres designers. Chacun a envoyé son projet et l’éditeur a fait sa sélection.
Alors, l’idée, c’était d’aller à la rencontre d’une partie de ces personnes que je n’ai pas vues (j’ai vu simplement leurs noms). Ça peut être dans le domaine de l’architecture, du design, de la création, et voir comment ils inscrivent leur culture à travers leurs projets.
Je fais un petit retour en arrière, quand tu es parti en Chine, tu l’as fait comme directeur artistique d’une entreprise. Est-ce que tu peux nous raconter comment ça s’est passé, comment ils t’ont sollicité ?
Déjà, de moi-même, j’avais envie de partir en Chine parce que je pratiquais la langue et que j’avais envie de l’approfondir, donc je cherchais à tout prix un moyen de m’y installer. Comme j’avais des amis de longue date installés là-bas – j’avais un ami architecte qui m’a dit qu’une entreprise cherchait un designer et c’est comme ça que je suis arrivé dans cette entreprise qui fabriquait des objets en marbre. Comme directeur artistique, j’avais pour mission de diriger une équipe de jeunes designers chinois qui ne parlaient ni anglais ni français C’était un studio de design, mais il y avait des ingénieurs et le prototypage. Donc, dans une même semaine, on pouvait dessiner les produits, les fabriquer, les exposer et les vendre.
Comment as-tu appris à parler chinois ?
Quand j’étais étudiant au Campus Caribéen des arts, j’ai rencontré par hasard un homme à la retraite qui donnait des cours tous les mercredis gratuitement à un petit groupe au parc Floral. Quand je suis parti faire mes études en France, j’ai continué à prendre des cours et c’est là que j’ai rencontré un étudiant chinois avec qui j’ai sympathisé. Mon premier voyage en Chine, c’était en 2005, il m’avait invité chez lui.
Après trois ans au Campus caribéen, je suis parti et me suis inscris dans une classe préparatoire avant de passer deux concours, l’École d’Art de Strasbourg et l’École d’Art de Paris. J’ai réussi aux deux et j’ai choisi de partir à Strasbourg.
Mais le Campus Caribéen des Arts, avec le recul, ça a été une très belle expérience parce que ça m’a permis de connaître l’art dans la Caraïbe, l’art en Martinique. Peut-être que ma vision des choses n’aurait pas été la même si j’étais parti juste après mes études… Ensuite, j’y ai enseigné le design.
Est-ce que tu peux dire qu’il y a un milieu design à la Martinique, qu’il y a des designers en activité ou est-ce que tu te sens isolé ?
Après dix ans, je dirais sincèrement que je suis isolé. Je connais des designers, mais la plupart sont enseignants – c’est bien parce qu’on a besoin d’enseignants pour transmettre mais ils produisent – et c’est ça que je trouve un peu dommage –, comme des artistes, pour une exposition.
Or ma vision du design, c’est ce rôle de liant, c’est-à-dire qu’à un moment on permet à un artisan de mettre en place une production, on permet à des acteurs qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble de créer des projets (même sans le designer après).Je trouve que le designer doit avoir, peut avoir ce rôle de catalyseur.
Est-ce que les conditions sont réunies ici pour produire en petite série ?
Non, il n’y a pas les conditions, mais ça ne veut pas dire que c’est impossible et en effet, le travail que j’essaie de faire depuis plusieurs années, c’est de le faire connaître et de dire : « Il y a un designer ici », au moins ça. Pourquoi ? Parce qu’en étant à mon compte, j’ai pu rencontrer des gens du marketing et des managers pour les sensibiliser à l’importance du design, et d’année en année on voit que ça prend, même dans le discours, même si beaucoup ne passent pas complètement à l’action ; au moins, ils ont dans un coin de leur tête l’importance du design.
Je prends l’exemple – ce n’est pas dans le domaine de la production d’objets – mais le travail que je fais avec le CNFPT, ça m’a paru fondamental parce que dans le service public on a besoin de design, parce qu’on est confronté à des usagers qui ont des besoins, à des agents qui ont des besoins ; parce qu’il faut créer de nouveaux services, on a besoin de designers et c’est vrai que dans les écoles d’art (maintenant, ça commence à changer), il n’y avait pas cette sensibilité-là du design/service public. On imaginait tout de suite la création de meubles, d’objets, de bijoux, mais je pense que le design aujourd’hui est beaucoup plus large et aussi d’utilité publique
Entretien avec Dominique Brebion
Crédits Photos Jérémy Paris
Presqu’une île, le site
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La ruche flottante connectée
Presqu’une île, l’odorat
Diffuseur du parfum Mangrove
Conception Jean- Marc Bullet, réalisation Victor Anicet
Presqu’une île, l’odorat
Diffuseur du parfum Mangrove
Conception Jean- Marc Bullet, réalisation Victor Anicet