Quatrième de couverture :
Jardin de printemps, c’est d’abord un livre de photographies, celles d’une maison bleue avec son jardin au cœur de Tokyo, instantanés de la vie d’un couple heureux il y a une vingtaine d’années.
Les saisons passent, les locataires aussi. Ils se rencontrent, se croisent. D’un balcon ou sur un chemin, ils sont comme aimantés par cette maison endormie.
Dans ce roman amical et rêveur, tout est en léger décalage, au bord de chavirer, seuls les lieux semblent à même de révéler ce qui flotte à la surface de notre cœur. L’immeuble où habite Tarô, promis à la démolition et qui se vide peu à peu, la vieille demeure de style occidental, paradis perdu qui un jour reprend vie, réactive la possibilité du bonheur.
Qui n’a jamais rêvé de pénétrer dans une belle maison abandonnée pour en percer le secret ?
C’est sûrement la jolie couverture et le fait qu’une maison soit au coeur de l’histoire qui m’ont incitée à acheter ce roman. En général j’aime cette thématique.
Ici elle est traitée à la japonaise, avec lenteur et pudeur. Tarô est un jeune homme (je ne l’imagine pas au-delà de 35 ans) qui aime son confort, il est un peu (beaucoup) paresseux, il tarde à se chercher un nouveau logement alors qu’il sait que l’immeuble où il vit, dans une banlieue de Tokyo, sera détruit. Il observe furtivement les locataires qui y habitent encore et se laisse approcher par une vieille dame et par Nishi, une jeune femme fascinée par la maison bleue dont elle possède un livre de photos. Elle est venue exprès habiter près de cette maison et serait prête à tout pour l’explorer et surtout voir en vrai la salle de bains aux mosaïques jaunes et vertes, qui créent une ambiance très particulière.
En se laissant entraîner par Nishi, Tarô revoit ses souvenirs de jeunesse et d’homme marié, quand il était coiffeur au service de son ex-beau-père. Il retrouve ses rêves de bonheur tranquille et en accomplit certains, tandis que Nishi réussit à réaliser le sien : entrer dans la maison et découvrir ses secrets…
Le roman est assez court (heureusement, sinon on s’ennuierait bien vite, je crois) et permet d’apprécier un certain art de vivre à la japonaise : la décoration intérieure, les règles de courtoisie entre voisins… Dans cette banlieue calme de Tokyo, on aime aussi suivre l’évolution des saisons dans le jardin de la mystérieuse maison bleue.
« Au bout du toit, on voyait le ciel et les nuages. Il faisait si beau ce matin, maintenant des nuages se levaient. Masses de blancheur. Des nuages de plein été, bien qu’on ne fût qu’en mai. Tarô regarda les nuages gonfler et s’envoler. Dire qu’ils sont à des milliers de mètres de hauteur. Le contraste avec le bleu profond du ciel était si puissant qu’il en avait mal au fond des yeux. Tout en regardant les nuages, Tarô s’imagina marcher dessus. Il fait ça tout le temps, d’ailleurs. Il marche loin, très loin, avant d’atteindre le bord. Alors il pose les mains par terre et observe en bas. On voit la ville. Et malgré cet intervalle de milliers de mètres, il distingue avec une netteté parfaite chacune des ruelles enchevêtrées, chaque toit des maisons collées
les unes aux autres. Les voitures, comme de minuscules insectes, glissent le long des voies, un avion petit modèle coupe par le travers l’espace entre lui et la ville. Comme une scène de dessin animé, parfaitement. Il n’y a personne derrière la verrière du cockpit. Aucun bruit. Non seulement en provenance de l’avion, mais de nulle part. Et quand il se remet lentement
debout, il se cogne au plafond du ciel. »
SHIBASAKI Tomoka, Jardin de printemps, traduit du japonais par Patrick Honnoré, Editions Philippe Picquier, 2016