Lire, c'est choisir de plonger dans l'univers de quelqu'un d'autres, dans ses parcours mentaux, d'explorer des thèmes connus, d'apprendre, de reconnaître et ressentir des choses qu'on avait peut-être jamais compris tout(e) seul(e), c'est accepter de respirer sur le rythme de quelqu'un d'autre.
MONEY: A SUICIDE NOTE de MARTIN AMIS.
1984.
Une année intense pour la jeune personne de 12 ans que j'étais alors. Je mentirais de dire que j'ai lu ce livre à cet âge. Probablement dans la trentaine, quand j'ai découvert l'auteur britannique Martin Amis, fils du non moins illustre Kingsley Amis.
Son 5ème roman raconte l'histoire de John Self, un réalisateur de commerciaux pour la télévision à qui un producteur offre la chance de tourner son premier film. Bien entendu, rien ne se passera de manière tellement. Self est un hédoniste typique des années 80, habituellement intoxiqué à l'alcool, avide consommateur de pornographie et de prostituées. Il mange trop et encouragé par son producteur, il flambe beaucoup trop d'argent. Les acteurs et actrices de son film, appelé Good Money, ont tous leur petits problèmes, Christian jouera un fournisseur de drogues, le vieillissant Lorne Guyland doit être physiquement attaqué, la maternelle Caduta est insécure face à son propre corps et doit jouer une scène de nudité avec un acteur qu'elle déteste.
Comme dans son excellent livre suivant, London Fields, un détournement majeur de l'histoire surviendra. Je ne vous le divulgâcherai pas.
Amis s'est planté dans sa propre histoire. D'abord méprisé par John Self, Martin Amis (dans l'histoire) devient son principal ami et confident. Il se dépeint terriblement arrogant. Self lui reproche de faire beaucoup d'argent tout en continuant de vivre comme un étudiant. Amis tente de le prévenir qu'il se dirige vers le mur et la destruction personnelle. Sans succès.
Le sous-titre du roman, A Suicide Note, est clarifiée vers la fin avec un jeu de mots intraduisible avec le mot Self (sois-même).
Amis était un fameux observateur. Photoréaliste intelligent.
Il est décédé le 19 mai dernier du cancer de l'oesophage à l'âge de 73 ans, au même âge que son père, Kingsley, et du même cancer que son grand ami, le tout aussi excellent Christopher Hitchens.