En finir avec une sentence de mort

Publié le 27 mai 2023 par Réverbères
  C’est un tout petit livre : 10 cm de largeur, 14 cm de hauteur, 0,5 cm d’épaisseur. Le corps de la police n’est pas bien grand non plus : sans doute du 8, avec des notes de bas de page en 6 maximum. Mais quel grand livre !
 
Les auteurs s’en prennent à cette phrase malheureusement célèbre de Michel Rocard : « On ne peut accueillir toute la misère du monde ». Ils démontent petit à petit chacun des morceaux de cette sentence sinistre qui semble tellement évidente que personne n’ose vraiment s’y opposer. Le philosophe Pierre Tevenian et le juriste Jean-Charles Stevens le font.
 
« On », ce n’est personne et tout le monde à la fois. C’est surtout donc un moyen de ne pas dire « je ». Le « on » impersonnel permet de tout dire, y compris le racisme.
 
« Ne peut pas », possibilité ou autorisation ? Nul n’étant tenu à l’impossible, il apparaît dès lors illégitime de demander le moindre compte et la moindre remise en question (page 17).
 
« Accueillir », constater la simple présence d’immigrants, leur accorder statut et droits, leur souhaiter bienvenue et en prendre soin ? À nouveau, le terme peut tout dire et surtout son contraire.
 
« Toute ». La ficelle rhétorique est grosse, là encore : il s’agit une fois de plus d’intimider, d’impressionner, de terrifier, d’attiser les phobies en produisant un sentiment de « submersion », d’« invasion », de « grand remplacement », (…) alors qu’on sait par ailleurs que seul·es 6,3% des déplacé·es ont migré vers un pays riche (page 31).
 
« La misère du monde ». C’est la partie du livre la plus intéressante, la plus complète. Elle permet de redire que cette « misère » ne l’est pas vraiment, que ceux qui arrivent jusque chez nous ne sont pas n’importe qui, que les « accueillir » est synonyme de production de richesse… Que s’il est inacceptable moralement aux yeux de tous (…) de refuser des soins aux enfants, aux malades ou aux handicapé·es en invoquant leur manque de « productivité » et de « rentabilité », il doit être tout aussi inacceptable de le faire quand les dit·es enfants, vieillards, malades ou handicapé·es viennent d’ailleurs – sauf à sombrer dans la plus simple, brutale et abjecte xénophobie (page 58).
 
Une soixantaine de pages qui devraient être lues par tous et toutes, d’urgence, pour l’hospitalité.