Les internationaux d'Italie s'achevaient il y a quelques jours à l'issue d'une quinzaine rocambolesque durant laquelle l'incompétence des organisateurs, souvent pointée du doigt, a pris le pas sur les performances sportives. Maudite de bout en bout, cette édition 2023 a suscité des controverses bien que Rome n'ait pas été épargnée par la pluie, conséquence directe des terribles inondations survenues dans la région d'Emilie-Romagne et qui ont coûté la vie à une dizaine de personnes. Cependant, il fut impossible pour l'organisation de se dédouaner, ces contraintes climatiques ayant finalement permis de révéler au grand jour des problèmes qui existaient déjà et que la fédération italienne de tennis semble volontairement ignorer. Créé en 1930, et devenu open en 1969, le tournoi s'est toujours déroulé dans le cadre historique du Foro Italico, grand centre sportif du quartier Della Vittoria fondé à la fin des années 1920. Avec ses trois courts principaux, dont un central de dix mille cinq cents places, et ses onze courts annexes, l'épreuve peut se vanter de posséder des infrastructures idéales pour la pratique du tennis de haut niveau. Problème, contrairement à certains de ses congénères, Rome a choisi de rester dans une réflexion passéiste sans une véritable vision d'avenir, alors que le dérèglement climatique, désormais global à l'échelle mondiale, impose justement aux différentes instances (chefs d'état, gouvernements, ministères) de trouver des alternatives qui puissent être viables face aux multiples calamités naturelles qui n'épargnent pas l'Europe. Ce manque d'initiative se traduit aujourd'hui par ce qu'on a vu durant quinze jours au Foro Italico : le ballet incessant des services d'entretien des courts bâchant et débâchant jusqu'à n'en plus finir avec pour conséquence des matches pouvant se terminer parfois au-delà de minuit. Ainsi, dans le tableau féminin, il était vingt trois heures passées lorsque la finale dames opposant Elena Rybakina à Anhelina Kalinina débuta, dans un court central à moitié vide. Existe-t-il, du coup, des options pour palier à ce problème amené à devenir récurrent ? Construire un toit rétractable sur le court central et le Grand Stand aurait sans doute été un avantage mais, les conséquences financières seraient telles que le tournoi, déjà en proie à de grosses difficultés dans ce domaine, n'aurait certainement plus qu'à mettre la clef sous la porte, d'autant plus qu'il ne serait sans doute pas aidé par le gouvernement de Giorgia Meloni, cette dernière ayant annoncé son intention d'injecter deux milliards d'euros d'aides pour les régions touchées par les récentes inondations, sans oublier le fait que l'Italie ait toujours de la peine à se relever de la crise liée au Covid-19 qui l'a frappée de plein fouet. L'autre option serait alors une délocalisation du tournoi vers une région du pays possédant un climat plus propice à la pratique du tennis en extérieur sur terre battue. Vers le sud, par voie de conséquence. Mais, quelle autre ville voudrait d'un tournoi vieillissant incapable de combler son inquiétant déficit ? La vue de tribunes clairsemées sur le court central a suscité le malaise et n'a pas manqué de faire réagir sur les réseaux. Il faut dire qu'à quatre-vingt dix euros la place, voire cent cinquante euros certains jours, la fédération italienne ne pouvait s'y prendre mieux pour faire fuir un public déjà refroidi par les averses incessantes et des matches programmés tard dans la soirée. Pour l'attractivité d'un tournoi qui en manquait déjà cruellement, on repassera. À cela s'ajoute des décisions plus qu'hasardeuses qui avaient de quoi mettre les nerfs à vif, comme celle de faire débuter la finale dames après vingt-trois heures, le samedi soir, alors qu'il aurait sans doute été préférable de la reprogrammer le dimanche, avant la finale messieurs. Une décision dont se sont alarmées plusieurs joueuses, dont la française Alizé Cornet. Pire encore fut la gêne occasionnée lors de la traditionnelle cérémonie de remise des récompenses, maladroite et réduite à sa plus simple expression, sous des sifflets que l'on pourrait qualifier d'aussi justifiés que malvenus, et ce malgré une Elena Rybakina une nouvelle fois exemplaire dans sa prise de parole. Enfin, il faut souligner le problème supplémentaire (comme s'il n'y en avait pas assez comme ça) que pose le format étalé sur deux semaines (un format Grand Chelem, pour ainsi dire). En se mettant dans les pas de ses comparses de Madrid, Indian Wells et Miami, Rome a sans doute pensé bien faire les choses afin d'assurer un spectacle de qualité qui puisse amener du public. Sauf que, c'est l'effet inverse qui s'est produit avec, au bout du compte, une première semaine d'une rare banalité, pour ne pas dire parfois ennuyeuse, suivie d'une deuxième semaine sur laquelle sont venues se greffer toutes les calamités accumulées durant la première. Le tout avec la passivité habituelle de la WTA et de l'ATP, bien sûr, qui n'étaient là, après tout, que pour générer du profit. Quand on voit le résultat, on se demande si les deux instances ne devraient pas réfléchir à de nouvelles solutions.Après tout cela, vient enfin l'aspect sportif. Dans cette tourmente, les vents ont été très favorables à Elena Rybakina qui s'est trouvée un nouveau terrain de jeu pour s'exprimer (entre deux averses) : la terre battue. Impressionnante contre la tchèque Marketa Vondrousova, alors qu'elle avait d'abord bénéficié de l'abandon de la russe Anna Kalinskaya, elle a ensuite géré idéalement son jour de repos supplémentaire pour s'offrir une nouvelle finale en WTA 1000, non sans que les dieux romains lui donnent un ou deux coups de pouce : une victoire en quarts de finales sur abandon de la polonaise Iga Swiatek, tenante du titre, puis une autre victoire en finale sur abandon de l'ukrainienne Anhelina Kalinina, triste épilogue d'un tournoi frappé par la malédiction. Entre les deux, tout de même, une demi-finale rondement menée contre Jelena Ostapenko, expédiée en deux manches avec perte et fracas (et quelques noms d'oiseaux, au passage, de la part de la toujours très délicate lettone). Dommage que la formidable combativité de Kalinina depuis le début de l'épreuve n'ait pas donné lieu à une vraie finale qu'on pressentait pleine de rebondissements. Les circonstances étant ce qu'elles sont, que cela ne vienne surtout pas ternir la performance accomplie par la kazakhe qui réalise pour le moment une très bonne première partie de saison malgré des défaites à l'Open d'Australie et à Miami. L'autre motif de satisfaction vient de Veronika Kudermetova. Demi-finaliste à Madrid, la russe a confirmé sa forme du moment en s'offrant elle aussi un beau périple romain jusque dans le dernier carré. On la vit ainsi produire du jeu de grande qualité en quarts de finales contre la chinoise Qinwen Zheng, avant que la machine ne se grippe face à une Kalinina une nouvelle fois résiliente. Sans doute de bon augure pour la suite. On peut en dire autant de Jelena Ostapenko qui, malgré un caractère toujours aussi irascible, a su retrouver un chemin qu'elle avait perdu après sa victoire à Roland-Garros en 2017. Ses brillantes victoires contre Sorana Cirstea, Barbora Krejcikova et Paula Badosa en témoignent, bien que nous n'irons pas jusqu'à dire que la Jelena Ostapenko stratosphérique de 2017 est de retour.Plus globalement, hélas, toujours dans le contexte purement sportif, le tableau est terni. L'abandon sur blessure de la numéro une mondiale Iga Swiatek (dont on ignore si elle sera à cent pour cent de ses capacités à Roland-Garros), la méforme de la tunisienne Ons Jabeur (qui peine à retrouver son niveau depuis son opération au genou), la sortie piteuse de la biélorusse Aryna Sabalenka (visiblement peu motivée) contre Sofia Kenin, les déboires de Caroline Garcia et de Coco Gauff, ont fini de porter le coup quasi fatal à un tournoi qui va devoir clairement se réinventer afin d'éviter une sortie de piste qui lui serait plus que préjudiciable. La chance qu'a rencontré Elena Rybakina ne serait alors pas suffisante...