Imagine-t-on en effet le déplacement d’une partie de la brigade criminelle de Paris vers un obscur village de Bretagne, l’envoi par hélicoptère de renforts considérables, et surtout une série de cinq meurtres dans un territoire de quelques kilomètres ?
Passons sur les innombrables personnages destinés à égarer le lecteur, tous dotés de prénoms et de patronymes terriblement celtiques, le classique entrelacement de deux intrigues n’ayant qu’un seul et tardif point de contact, le personnage central du village affublé d’un physique étonnant – mais on connaît un chanteur qui a exactement la voix d’un célèbre rocker récemment disparu …
En fait, le début du polar est bien long avant le démarrage effectif de l’action … il faut donc s’accrocher. Ensuite, devant le foisonnement des suspects possibles, on se prend au jeu et on pousse la lecture pour avoir, dans les toutes dernières pages – c’est la loi du genre : le commissaire apparemment balourd délivre le résultat de ses déductions tortueuses devant l’ensemble des protagonistes réunis (y compris le meurtrier) à la manière d’Hercule Poirot. Classique.
Reste le style inimitable de Vargas et ses « marqueurs » habituels : les adjoints d’Adamsberg et leurs talents cachés (Violette Retancourt et ses prouesses physiques étonnantes, Mercadet l’informaticien hypersomniaque, mais pour une fois sans Adrien Danglard resté à Paris), le rôle éminent des animaux et leur éthologie, des plus petits aux plus gros, le mode de raisonnement aussi filandreux qu’efficace du commissaire …
Plus de 500 pages, c’est beaucoup pour un dénouement totalement loufoque. J’ignore comment les Bretons vont apprécier la façon dont on les affuble de clichés pas toujours très positifs …
Sur la dalle, polar de Fred Vargas, édité chez Flammarion, 510 p., 23€