Même si la météo aurait tendance à nous faire douter, nous sommes le 17 mai 2023 et le Festival de Cannes est désormais ouvert.
Hier sur la scène du magnifique Grand Théâtre Lumière, Catherine Deneuve a lancé les hostilités sous le regard de sa fille et d’elle-même puisqu’elle offre son visage à l’affiche de cette 76ᵉ édition. Iconique.
Si le Festival fait tant parler cette année, c’est pour certaines polémiques. La première, la présence du film de Maiwenn (et de Johnny Depp sur les marches). Le film méritait autant d’attention ? La réponse est certainement non tant Jeanne du Barry fait office de téléfilm de prestige. Maiwenn s’attaque à Jeanne du Barry et au film en costume, mais n’arrive jamais à faire oublier les acteurs derrière les personnages. Si on trouve intéressant de mettre à l’honneur un personnage comme Jeanne du Barry (considérée comme une monstruosité par la cour de Louis XV) on regrette qu’elle n’ait pas essayé de choisir un angle pour son histoire. Ici, tout est amusement. Les manières de la cour de France, les hommes et les femmes qui en font partie, le Roi lui-même. Et à part ça ? Pas grand-chose. Une succession de scènes (jolies au demeurant) et un film qui va beaucoup trop vite pour pouvoir raconter quelque chose d’intéressant. Dommage parce que le “Monstre” qui fait peur à tous et finit par changer les choses, on aimait bien l’idée…
Les monstres, il en sera question toute la journée. Julia Ducoureau avait demandé à les laisser entrer. Ils ont bien compris le message. On en retrouve d’abord deux, adorables et complexes chez Almodovar. Le réalisateur espagnol est venu en ami pour présenter son moyen métrage, Strange Way of Life ou l’histoire de deux hommes, anciens amants, qui se retrouvent 25 ans plus tard au Far West. Dans la peau des deux cowboys, Pedro Pascal et Ethan Hawke. Magnifiques. Sensuels. Complexes. Le film se vit comme une parenthèse où rien n’est simple (sauf de piquer un caleçon à l’autre) mais tout est possible (la perspective de rester ensemble). Le réalisateur l’assume, Strange Way of Life reprend là où Brokeback Mountain s’arrêtait sur cette question “Que feraient deux hommes dans un ranch ensemble ? ” À cela, la réponse est limpide : se soutenir, se protéger, prendre soin de l’autre, passer le temps. Simple, mais tellement vrai. On aurait vraiment aimé rester avec ces cowboys plus longtemps tant le moment était agréable.
Il nous faut pourtant revenir en 2023 où nous attend au Japon un préadolescent du nom de Minato. Le film est construit selon trois points de vue. Le premier, celui de la mère, dépassée par les évènements qui veut expliquer de manière rationnelle les agissements de son fils. Le deuxième, celui du professeur. Lui, pense que Minato harcèle un de ses camarades et doit se plier aux normes japonaises de politesse et de pardon quand l’école l’accuse de brutaliser Minato. Le dernier (le plus intéressant) c’est celui de Minato, lui-même à un âge où les questions sont nombreuses et la quête d’identité plus présente que jamais. Le “Monstre” c’est Eri, un camarade de classe qui ne rentre pas dans la norme. Et on n’en dira pas plus tant le film séduit par sa capacité à tordre les fils de narration. Le nouveau film de Kore-Eda est une petite merveille d’écriture, de sensibilité, d’innocence et de poésie. Un vrai coup de cœur qui lance la compétition de la plus belle des manières. En début de Festival, Monster a peu de chance de se retrouver au Palmarès, mais dans notre cœur, il restera gravé.
On finira la journée à l’ouverture d’Un Certain Regard puisque Thomas Cailley a donné rendez-vous. Le nom ne vous dit rien ? C’est le réalisateur du génial Les Combattants. Il aura fallu au réalisateur français presque 10 ans pour revenir avec un nouveau projet. Et quand on voit Le Règne Animal, on comprend mieux son absence prolongée. Le Règne Animal est un film à la croisée des chemins. Mi-film fantastique, mi-film de genre, mi-film d’apprentissage, mi-film sur la paternité. Bref, un mélange de plein de choses qui misent bout à bout en font un film d’une ambition folle. Le Règne Animal, c’est la réponse du cinéma français à Jérome Seydoux et son mépris du cinéma d’auteur qui ne ramène personne en salle. C’est ingénieux. Original (et encore le mot est faible) puissant, vibrant, stressant et visuellement magnifique (on vous laisse découvrir une scène dans les champs de maïs avec des mecs en échasse). Une vraie proposition de cinéaste qui emporte tout sur son passage. Le film confirme le talent de Paul Kircher qui porte le film sur ses épaules. Pour le soutenir, Romain Duris, toujours génial (et drôle!) et Adèle Exarchopoulos qu’on aurait aimé voir un peu plus. Vu hier à 20h30, le film nous hante encore ce matin. Sérieusement, vous n’êtes pas prêt !
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