Il faut croire au printemps, lu par Éric Bonnargent

Publié le 16 mai 2023 par Marc Villemain


Critique publiée sur la page Facebook de l'écrivain Éric Bonnargent, dont Les Éditions du Sonneur publieront le 17 août prochain un roman important, dont il est certain qu'il fera parler, Les désarrois du professeur Mittelmann. À suivre...

Débutée par Il y avait des rivières infranchissables en 2017, poursuivie par Mado en 2019, la " trilogie du tendre " s'achève en apothéose avec Il faut croire au printemps. Après s'être intéressé aux premiers émois de l'enfance et de l'adolescence, puis à l'éveil à la sensualité, Marc Villemain interroge la relation père/fils, mais aussi la possibilité de la rédemption. Car tout commence par un drame.

En pleine nuit, une voiture s'immobilise en haut des falaises d'albâtre d'Étretat. Tandis qu'à l'arrière du véhicule un nourrisson dort tranquillement dans son couffin, son père, le " visage baigné de larmes ", ouvre le coffre, en sort le corps inerte de la mère de l'enfant, et le balance à la mer. Que s'est-il passé pour en arriver là ? Le lecteur le découvrira bien plus tard.

L'action reprend dix ans plus tard, toujours en voiture, sur une " autoroute qui n'en finissait pas, comme tracée au cutter ". Le père et le fils sont sur la route ; leur voyage va les mener en Allemagne, puis, à leur plus grande surprise, en Irlande. L'enfant est réveillé par " la chaleur végétale de la contrebasse, le cœur simple de la batterie, l'espérance alanguie du piano " de You must believe in spring de Bill Evans, la reprise mélancolique de La chanson de Maxence, écrite par Michel Legrand pour " Les demoiselles de Rochefort ". Et de la musique, il en faut, car père et fils sont des taiseux, enferrés dans les non-dits, moins unis par les mots, porteurs du mensonge dans lequel ils vivent depuis toujours, que par " la seule grammaire de leurs sensations ". S'ils sont sur la route, c'est parce qu'on leur a signalé la présence de la mère du petit, déclarée disparue, dans une petite ville de Bavière. Bien entendu, le père sait ce voyage fallacieux. Quant au fils... Quoi qu'il en soit, leur enquête va leur permettre d'apprendre à se connaître. Et on comprend vite que ce père, contrebassiste, hyper protecteur, aimant aussi fort que maladroitement son fils est peut-être moins mature que l'enfant. Ce dernier a l'art de toujours bien choisir ses mots, lorsque l'autre s'embrouille, et préfère s'exprimer par des gestes et des silences. Sans doute sa vie de musicien en est-elle responsable, car ce jazzeux est suffisamment lucide pour savoir " qu'il vit comme un cliché ", " buvant trop, fumant trop ", malgré l'apparition de " sa première bedaine ", de " ses premiers cheveux gris ". Au cours de leur odyssée, ils vont rencontrer de nombreux personnages, des aimables et des farfelus, mais ils vont surtout se rencontrer eux-mêmes et, à défaut de retrouver une mère, retrouver l'espoir, la possibilité d'un avenir.

Road movie aux faux airs de roman policier, Il faut croire au printemps est un roman osé, d'une rare beauté. Osé, tout d'abord, parce qu'il faut bien du courage pour faire de l'auteur d'un féminicide le héros d'un livre ; d'une rare beauté, ensuite, parce qu'une nouvelle fois, Marc Villemain sonde l'âme humaine, illumine ses obscurités et ses replis à l'aide d'une langue toujours aussi élégante et sensuelle. Magnifique.

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