Comme toute entreprise internationale, l'espagnole s'inquiète régulièrement des opportunités de réutilisation de ses ressources au travers de ses différentes entités. Les quelques 900 personnes réparties dans l'organisation qui travaillent sur l'analyse de l'information offrent un exemple caractéristique d'équipes dispersées œuvrant sur des thèmes similaires. Le répertoire commun a donc vocation à éviter que chacune produise son algorithme dans son coin et puisse au contraire adopter celui qui existe déjà.
Riche de 300 000 lignes de code (au début de 2023) couvrant de multiples domaines, depuis les métiers de BBVA – banque de détail (par exemple la catégorisation de transactions ou l'identification d'événements notables dans les relevés), banque d'investissement, finances, ressources humaines… – jusqu'à des outils destinés aux professionnels de la donnée eux-mêmes, la base est exploitée dans plus d'un tiers des applications recourant à un service analytique (en Espagne et en Amérique latine).
Naturellement, comme tous ceux qui ont tenté une démarche du genre le savent, il ne suffit hélas pas de déployer une place de marché des modèles d'apprentissage automatique pour garantir le succès. La mutualisation – à la fois la réutilisation et la contribution collaborative, indispensable pour une efficacité démultipliée – ne fonctionne que si les visiteurs trouvent facilement et rapidement ce qui sera utile à leur besoin, sans risquer de perdre plus de temps et d'énergie que s'ils repartaient de zéro.
Dans cette perspective, BBVA prend le plus grand soin de la communication (au sens large). D'une part, chaque composant publié est accompagné d'une documentation complète et d'exemples de mise en œuvre, destinés à simplifier sa prise en main. Globalement, 200 tutoriels sont disponibles. Par ailleurs, dans un but de dissémination, un vaste programme comportant infolettre, canal de tchat dédié, ateliers, hackathons et autres rencontres (meetups) maintient les intéressés au courant des nouveautés.
C'est l'ensemble de cette expérience que la banque ouvre maintenant hors de ses murs, dans un premier temps autour d'une poignée d'utilitaires génériques, traitant des problèmes universels et néanmoins ignorés sur le marché (c'est une exigence pour intégrer Mercury) : un kit d'explicabilité (afin de comprendre comment opère un modèle), une fonction de suivi de la performance (et de sa dérive), un test de robustesse… Nul doute que cette entrée en matière ouvrira l'appétit de plus d'un spécialiste !
BBVA est le seul groupe d'envergure (parmi ceux que je connais) qui ait, depuis toujours, engagé une stratégie de coopération systématique entre ses multiples structures. Et parce qu'elle s'est, au fil du temps, incrustée dans sa culture d'entreprise (un signe qui ne trompe pas est l'absence de toute contrainte), sans jamais déborder vers une tentation centralisatrice (solution de facilité classique), elle s'avère redoutablement productive. Son ouverture au reste du monde devrait encore lui donner une impulsion supplémentaire.