Album - La Travers​é​e - Lux Montes

Publié le 14 mai 2023 par Concerts-Review

Album - La Travers​é​e - Lux Montes

michel

Verdad Records / Asso Elles en ont!

Lux Montes, alias Lucile Beauvais, auteure-compositrice-interprète, qui t'avait laissé une excellente impression lors d'une 1/2 finale de l' événement du F dans le texte en 2020, malgré son look juvénile, ne peut être considérée comme une novice dans l'univers musical.

Depuis 2009, elle s'ébat sur scène, d'abord comme membre de la formation folk/rock June Lullaby, puis au sein du projet Enfantloup, Lux Montes voit le jour en 2013, elle enregistre deux EP's et un full album ( La Verdad), sans tenir compte d'une bande son pour l'installation performative "Porte-clefs" de la Compagnie Théâtre du Cyprès. Après un passage au sein de Baby Fire, le groupe post punk sulfureux, créé par Dominique Van Cappellen-Waldock, elle revient à son bébé, Lux Montes, et grave ' La Traversée', sorti il y a quelques semaines.

Lucile, c'est à la fois la lumière andalouse et la montagne, les Cordillères Bétiques, c'est le feu, la passion, la féminité et un imaginaire surréaliste ( OK, Dali était Catalan , mais Pablo Picasso est bien Andalou).

1. Tu Alma / 2. Le temps des galaxies / 3. Vision / 4. En Vie / 5. Angora (cover Alain Bashung) / 6. La Traversée / 7. Poumons bleus / 8. La forêt endormie / 9. Crossing the water (poème Sylvia Plath) / 10. Où sont les femmes (cover Patrick Juvet)

Lucile Beauvais (Lux Montes) : paroles (répertoire SACEM/SABAM), musique et arrangements, piano, guitare, voix, ambiances.
Renata Kambarova : Flûte, lecture du poème d'Anna Akhmatova / Cécile Gonay : Violon, Alto / Astrid Wauters : Violoncelle / Illia Vasiachkin : Saxophone baryton, lecture du poème d'Anna Akhmatova / Dominique Van Cappellen : lecture du poème de Sylvia Plath / Julien Varnier : Batterie
Enregistrement et mixage : Jean-François Hustin dans les studios de la Province de Liège.

Extrait du poème d'Anna Akhmatova, Les yeux ouverts Extrait (1946) sur le morceau La forêt endormie.
Poème de de Sylvia Plath, extrait du recueil Crossing the Water : Transitional Poems (1971)

T'as noté la présence de Dominique et de Cécile, ses complices chez Baby Fire!

L' artwork, signé Stéphanie Cornil, basé sur une photo réalisée par Lyla Bangels, montre une Lux stylisée, façon art naïf , très inspirée par l'affiche Frida Con Amigos, représentant Frida Kahlo, fleurie et partiellement dénudée, tenant élégamment une tasse de thé de la main gauche, une cigarette à moitié consumée placée entre l'index et le médius de la main droite.

Lucile a pris une pose différente, la main droite dissimule le sein droit pour ne pas choquer Tartuffe, le sein gauche est masqué par une rose tandis que le bras gauche se dresse haut dans les airs.

Derrière la chevelure de jais de l'amazone , d'autres fleurs et des fruits apparaissent, cette image édénique est du meilleur effet.

'Tu Alma' une plage chantée en espagnol ( argh, les castagnettes) et en français, ouvre le recueil et, comme le titre le suggère, ce morceau, aux effluves trip hop, s'adresse à l'âme, les cordes maniées par Cécile Gonay ( le violon) et Astrid Wauters ( le violoncelle) dessinent un arrière-plan subtil qui tapisse un écrin derrière la voix aérienne de Lucile, qui se charge du piano ( beau comme un Nocturne de Chopin) et de la guitare.

La chanteuse n'hésite pas à utiliser la mise en boucle des parties vocales pour nous envoûter davantage.

En fermant les yeux, tu as aperçu cette image fugace d'une femme fascinante, portant une mantille noire, tu as cru un instant qu'il s'agissait de Penelope Cruz, quand le perro du voisin, par rancune, s'est mis à aboyer car tu avais oublié de le flatter.

Un brin de poésie laiteuse pour suivre, ' Le temps des galaxies' , une ballade à l'esthétisme solaire, construite sur une instrumentation minimaliste, est gratifiée d'un texte qui aurait plu à Christophe et, sans doute aussi, à Michel Polnareff.

On s'échappe du halo galactique, avec peine, comme Ulysse on a failli s'attacher à la carlingue du vaisseau spatial pour ne pas succomber à la sirène et à son chant pernicieux, mais c'est pour avoir une autre 'Vision' floue, sans doute, mais dotée d'images empruntées à la Divine Comédie de Dante Alighieri.

Le décor sonore, discret, est fait de silences, de pauvres notes de piano, de percussion fantomatiques, de gimmicks électro et de chuchotements étouffés... de quoi hérisser quelques poils sur l'épiderme.

' En vie' , sous forme de nocturne au piano , mariant classicisme et arrangements baroques, est rehaussé par la flûte printanière de Renata Kambarova, par des cordes et un sax pudiques, tandis que la voix vacille comme la flamme mourante d'une chandelle en bout de course.

Elle sort de la cuisine, tend l'oreille et énonce... c'est beau, c'est qui?

T'as failli répondre Volbeat, puis t'as dit, une amie!

Déjà lors du concis concert à La Maison des Musiques, Lucile t'avait ému avec sa version épurée et soyeuse d' ' Angora' d'Alain Bashung, elle interprète le morceau d'une voix frêle, à mille lieues du timbre fatigué du Parisien, le charme opère toujours.

Un romantisme à fleur de peau illumine le morceau donnant son titre à l'album, ' La Traversée' qui, avec pudeur, dessine les émois amoureux et évoque le pouvoir d'un amour qui viendra à bout des épreuves et des craintes.

Texte et musique, d'un onirisme à la Verlaine, la rapprochent d'une autre artiste à l'univers romanesque, elle réside également en Belgique,

T'as eu peur, tu détestais les séances de dissection animales au cours de biologie, ' Poumons bleus' a éveillé en toi des souvenirs pénibles. Quand la chanteuse, sur fond de piano renvoyant vers Eric Satie, énumère différents organes, le coeur, les poumons, les vaisseaux, les muscles, le foie,... puis mentionne un chat et un chien... l'effroi s'est amplifié, mais non, oublie André Vésale, le questionnement existentiel n'a rien de gore et la mélodie prend de l'ampleur lorsqu'un choeur de carabins amateurs intervient avant le terme de ce titre à classer à côté de certaines compositions de Camille.

Lux Montes n'est pas la seule à honorer la poétesse russe Anna Akhmatova, Fischbach a mis un de ses poèmes en musique. Sur ' La forêt endormie ', Illia Vasiachkin lit le poème ' Les yeux ouverts' pour introduire la plage, sur balancement répétitif à la Erik Satie, Lux Montes relaie le saxophoniste et d'un phrasé narratif psalmodie son texte, une seconde lecture, cette fois-ci par Renata Kambarova , précède une séance de vocalises, suivie par un mouvement symphonique aux arrangements Sibelius.

Cette forêt peut paraître endormie, mais elle regorge de vie.

Après les profondeurs de l'âme russe, on traverse les océans pour écouter un texte de Sylvia Plath, décrivant la noirceur de l'esprit humain, ' Crossing the Water', c'est Dominique Van Cappellen, qui d'un timbre spectral, récite la poésie d'une des plus grandes poétesses du vingtième siècle.

Quand tu souffres d'un excès de narcissisme, tu relis ' Mirror' ,

Now I am a lake. A woman bends over me,
Searching my reaches for what she really is.
Then she turns to those liars, the candles or the moon.
I see her back, and reflect it faithfully.
She rewards me with tears and an agitation of hands....

avant de le briser ( le miroir).

Le piano ténébreux et les discrets effets theremin conviennent à merveille à cette pièce gothique.

Le recueil s'achève avec une seconde reprise, étonnante mais pertinente, ' Où sont les femmes ' de Patrick Juvet, en mode suffragette city, une réussite, assurément!

Et quand Lux termine la rengaine par la ligne ' je suis une femme' , tu sais qu'elle a raison car the future is female, et ce n'est pas un clin d'oeil à Sandrine!

T'aimes pas donner des étoiles, tu réserves ça à Michelin, mais franchement Lux Montes c'est la classe!