, un mélange de . Mais plus encore que la silhouette, ce qui frappait avant tout chez Claude Piéplu, c'était la voix. Il aurait fait un excellent animateur radiophonique. Il a fait un excellent lecteur, " Au centre du ciel, il y avait la Terre. À cette époque, elle ne comptait qu'un seul et unique habitant, un redoutable insecte nommé Gégène (il y avait bien également quelques dinosaures à la retraite, mais comme ils le disaient eux-mêmes, ils étaient voués à disparaître) qui ne s'appelait pas vraiment Gégène puisqu'il n'y avait personne pour l'appeler. Cependant, on l'appela de cette façon pour plus de simplicité. Passons. " (Claude Piéplu pour les Shadoks).
L'acteur Claude Piéplu est né il y a 100 ans le 9 mai 1923. Très apprécié pour son humour pince-sans-rire, il a joué dans des dizaines de comédies françaises un homme souvent ancienne France, un peu hautain et précieux. Bien ancrés dans les rôles secondaires, Claude Piéplu pimentait les films de ses prestations toujours attendues.
Il avait une tête de ministre Pierre Desproges (pour le verbe) et de maître Capello (pour l'apparence) notamment de Jacques Prévert.
Pour lui rendre hommage à l'occasion de son centenaire, je m'arrêterai justement sur cette voix, et quel projet plus beau pour entendre sa voix si posée et insistante que Les Shadoks ? Les Shadoks sans la voix du narrateur Claude Piéplu, c'est comme un film de Sergio Leone sans la musique d' Ennio Morricone.
Rappelons rapidement ce qu'étaient Les Shadoks : c'étaient à la fois des sortes de bestioles humanoïdes en seulement deux dimensions et le nom d'une série animée assez sobre qui déclencha une polémique philosophique majeure chez les Français de 1968.
La personne clef à l'origine était Jacques Rouxel : diplômé de HEC et publicitaire, il s'ennuyait profondément à vouloir faire vendre toutes sortes de choses propres à la consommation. C'était l'essor de la société de consommation, et donc, des publicités pour faire vendre. Au milieu des années 1960, Jacques Rouxel proposa à l'unique chaîne de télévision qu'on appelait ORTF des mini-séries de trente secondes puis deux minutes d'étranges personnages, les Shadoks.
Sortes d'oiseau qui ressemblent fort à ceux dessinés par le peintre allemand Paul Klee dans son tableau "La machine à gazouiller" (de 1922), composés d'une tête dotée d'un long bec et de longs traits fins servant de pattes, agrémentés de mini-ailes, mais l'inspiration allait plus loin puisque le tableau proposait aussi une sorte de manivelle qui laisse entendre la propension génétiquement permanente de ces bestioles à pomper.
Claude Piéplu.
Arielle Dombasle.
Jacques Dutronc.
Fait de manière très simple et avec un budget propre au service public (c'est-à-dire mince), un dessin animé en couleur, le projet a pris en densité avec le son : la voix de Claude Piéplu et la musique de Robert Cohen-Solal, issue du groupe de recherche mythique de l'ORTF dirigé par Pierre Schaeffer, initiateur de la musique concrète. Vous n'aimez pas la musique concrète, ou vous la croyez semblable à une musique de casseroles ? C'est un peu vrai, mais écoutez Les Shadoks et vous verrez que c'est de l'art. Ajoutons que Jean Cohen-Solal était chargé de faire parler les Shadoks, ce qui n'était pas une mince affaire.
Heureusement, cinquante ans plus tard, la mémoire illimitée d'Internet nous permet d'écouter immédiatement certains épisodes intéressants. Il y a eu aussi la vente d'enregistrements dans le commerce, mais je vous le déconseille. À une époque (il y a plus d'une vingtaine d'années), j'avais acheté une cassette VHS reprenant une ou deux heures de Shadoks : je peux vous assurer que regarder plus de dix minutes par jour cette série fait devenir dingue ! C'est pourquoi le format Youtube, une séquence par épisode de deux minutes, convient parfaitement à l'esprit de la série. Ne jamais en prendre à haute dose (sauf sur avis médical).
La série, sous le vernis de l'humour un peu loufoque et créatif, avait une vocation pédagogique autant que satirique. Le satirique, c'était de se moquer gentiment des Français (les Shadoks) face aux Britanniques (les Gibis), eux beaucoup plus efficaces et organisés (les Shadoks, eux, poursuivent toujours des chimères aux logiques douteuses, la France de 2023 le confirme encore chaque jour).
Entre autres pédagogies, des notions de logique (il y a une toute liste de proverbes logiques qui sont très connus au-delà de l'influence de la série), et des notions de science. Je rappelle que Jacques Rouxel avait intégré HEC, la plus grande école de commerce, et pour l'intégrer, les mathématiques étaient l'une des disciplines qui sélectionnait les candidats de la manière la plus efficace.
J'ai retrouvé ainsi deux épisodes très subtils des Shadoks, qui ne se suivent pas, l'un pour expliquer le mouvement perpétuel (on rappellera que les machines perpétuelles ne peuvent pas exister !) et l'autre pour expliquer l'entropie, cette fameuse énergie de l'irréversible, ce méchant second principe de thermodynamique qui nous coûte si cher en énergie ! Je vous les propose en hommage à Claude Piéplu qui réussit, par-delà près de dix-sept ans déjà qu'il a disparu, à poursuivre sa lecture sentencieuse et hors du temps grâce à la magie de l'Internet.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (06 mai 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Claude Piéplu lit Jacques Prévert.
Jacques Rouxel.
Les Shadoks.
Richard Gotainer.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Alain Delon.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230509-claude-pieplu.html
https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/claude-pieplu-maitre-es-shadoks-248099
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/05/06/39900686.html
Publié par Sylvain Rakotoarison - dans Audiovisuel et médias - cinéma