au Chaland Qui Passe, Binic, le 8 mai 2023
michel
Que disent les gestes affectueux d'un couple en public?
Demande au psy, car nous faisons partie des 25 % d'individus à être gênés par les signes d'affection en public, deux séniles qui s'embrassent, ça t' angoisse.
Maintenant, si la séduisante Madeline Rose pose un chaste baiser sur ta joue en pleine rue, tu n'iras pas crier au scandale.
Madeleine Rose, Lewis Lloyd, Anton Remy et Jesper Munk, aus Berlin, ont choisi PDOA ( Public Display of Affection) comme nom de groupe, ils ignorent probablement que la chanteuse de RnB, Muni Long, a opté pour cette formule pour intituler son dernier méfait .
Après Lille, Douarnenez, le post punk combo, originaire de la capitale mondiale de la culture alternative, fait escale au Chaland Qui Passe, un bistro qui pendant trois jours a vibré aux sonorités rock et qui, à chaque fois, a fait le plein.
Par quel tour de magie Charlotte et Arnaud réussissent-ils à programmer des groupes, capables de remplir de grandes salles, dans leur zinc qui peut accueillir 30 clients, si leur indice de masse corporelle ne dépasse pas 18, en cas d'individus considérés comme obèses, le chiffre se réduit à 5 consommateurs, tu te poses encore la question.
Donc, on a eu très chaud dans le troquet, la prestation incendiaire de PDOA n'étant pas étrangère à la dangereuse ascension du mercure.
Pensez à vous abreuver disait le généraliste, c'était sans compter que pour atteindre le bar, il fallait jouer à l'anguille.
PDOA existe depuis peu d'années, né de l'imagination de Jesper Munk, un guitariste ( fameux)/ chanteur en provenance de Munich et de sa compagne, Madeline Rose, danseuse ( dance theatre collective Das Gegenteil), chanteuse, allumeuse ( dixit Christophe,) mais aucun lien avec Den Lille Pige med Svovlstikkerne de Hans Christian Andersen, elle vient de Sydney.
Ils ont été rejoints par Lewis Lloyd, un vidéaste en provenance du pays de Galles, bassiste chez Plattenbau et, donc, aussi chez PDOA, le quatrième larron se nomme Anton Remy, le wahr Berliner, batteur de son état ( Bakery, Che Lingo, Ozwol Me...).
Discographie: un EP ' P.D.O.A.' sorti fin 2021 et l'album ' I still care' qui a suivi en septembre 2022.
20:30', Berlin en piste, bonswar Binic, lance la mignonne Madeline, qui paraît aussi frêle que Twiggy , on constatera pendant le gig qu'elle a de l'énergie à revendre et que son corps est aussi souple que celui de Jane, la copine de Tarzan, qui se déplace en liane, c'est moins polluant qu' une Dyane.
Démarrage en régime lent avec ' Pink City' , la guitare mélodieuse est soutenue par une rythmique insidieuse, tandis que la jolie blonde, coiffée d'un béret rouge, susurre son texte, en mode jazz/soul doucereux, aux intonations asiatiques..
Expressive, elle accompagne son chant d'une gestuelle de ballerine de Degas, déjà la gent masculine se met à rêver.
Le tempo reste asthmatique avec la suivante, ' Cradle' , Jesper assure les secondes voix, Madeline louvoie en prenant des inflexions enfantines, Anton ajoute quelques gimmicks intrigants, la basse de Lewis ronronne, pourtant insensiblement le ton monte, la chanteuse s'agite, la guitare grince, le bébé, dans son berceau, pleurniche.
Il y a du P J Harvey, du Liz Phair ou du Bat For Lashes, dans l'approche de ce groupe cosmopolite .
' Typhoon honeymoon', pour faire honneur au titre, démarre par un roulement de batterie furieux, la basse gronde, le chant se veut véhément, voilà un premier morceau justifiant l'étiquette post punk.
Madeline, aguicheuse, vient allumer un voisin en l'effleurant, de ses fesses , à un endroit sensible, c'est sûr, pas question de s'ennuyer ce soir.
Le morceau prend des intonations punk, nous renvoyant vers The Slits ou X Ray Specs.
Cette lune de miel n'a rien de romantique, la guitare de Jesper part en stridences, pires que l'affreux bruit que fait la fraise de ton dentiste.
Déjà tu penses au divorce, t'as pas eu le temps de consulter un avocat, que Lewis d'une attaque de basse J J Burnel attaque ' Spring', parlons en du printemps breton, averses et températures automnales, la petite danseuse secoue des shakers, puis débite son texte d'une voix théâtrale.
Elle a probablement aperçu une souris ou une mygale et grimpe sur le comptoir, André a réussi à sauver sa Coreff et Coralie son Muscadet.
En redescendant du perchoir, catwoman s'amuse à provoquer l'un ou l'autre mâle ébahi, tandis que le trio masculin balance son mix rugueux.
Mêmes caractéristiques scéniques pour ' Lockdown', la guitare cingle, la basse ronfle, Madeline crache son propos, avant une éphémère séquence romantique, pour reprendre son sévère sermon et terminer le morceau.
Pour rendre hommage à Charles Baudelaire, ils enchaînent sur 'Artificial Paradise', Arnaud ne servant pas d'absinthe, ils se sont contentés d'une bière.
Jesper, assis sur l'ampli, la joue relax, Madeline chantonne, la basse, comme depuis le début du set , gronde. Même sans avoir abusé de LSD, la montée vers les paradis artificiels a été exécutée en douce, on se méfie toutefois du contrecoup, la descente aux enfers risque d'être vertigineuse, surtout si l'ange blond t'y entraîne, comme les sirènes qui ont failli causer la perte du brave Ulsysse.
'Notice' is about Berlin's Worsening Housing Crisis, indique la chanteuse, le rendu, haineux, enragé et exaspéré renvoie vers Gang of Four, Wire, les Au-Pairs et autres combos ayant secoué la planète musicale dans les eighties.
Lester entame la partie chantée de ' Struggle Street', un gospel punk qui évoque Bauhaus, Madeline , en poussant des râles à la Nina Hagen, vient l'aider à terminer ce bref et mordant laïus.
Ils enchaînent sur un nouveau chant désespéré et épineux ' Rose' avant de proposer 'Goodbye Watchmen' , une valse berlinoise chantée par le guitariste.
Charlotte invite Madeline à tournoyer sur place, un des garçons du Chaland se faufile près de Lester, sort un harmonica d'une poche de son futal, pour ajouter quelques lignes bluesy à cette plage plus proche de Nick Cave que de Franz Lehár.
La ballade lynchéenne annonce le dernier titre, salement noisy, du set, 'Fishing Hook' .
La fille exubérante vient narguer tous ceux qui se trouvent à moins d'un mètre d'elle en glapissant telle une furie, souviens-toi d' Annabella Lwin de Bow Wow Wow ou de Siouxsie, dans les dernières années des seventies.
Dinguerie totale dans le bar, pour éviter l'émeute, un bis s'impose.
Ce sera ' I still care'.
Tu dis, Jacques?
Qui se soucie de nous?
Madeline, tiens, parmi ses inquiétudes il y a le futur, mais pour y remédier, pas de promesses électorales, des faits, elle vient caresser la barbe d'un brave gars accoudé au bar, puis reprend sa diatribe sur fond métallique glaçant, en gueulant turn me loose.
James Brown s'est retourné dans sa tombe, nous on a pensé à James White et à son fameux ' Contort Yourself', mais la fête se termine.
Ce qui n'est pas au goût de quelques chalands arrivés tardivement, merde, on a, à peine, entendu trois morceaux, c'est tout, une petite pour la route?
OK, la dernière plage de l'album se nomme 'Exit', on vous la joue.
It's a song about homophobia,... qu'elle démarre en spoken-word tout en s'adressant à quelques clients en privé, t'aurais préféré qu'elle s'abstienne, car t'es pas certain que fuck face soit un compliment, elle ramasse un mégaphone qui traînait au sol, s'égosille à crever un poumon, à l'arrière les copains confectionne un post punk industriel flippant, puis Madeline, tel un pantin désarticulé, entame une danse barbare finale , bientôt imitée par une partie de la clientèle.
Fin d'un concert monstrueux!