Fréquemment assimilée à un piège dissimulé, la carte de crédit doit sa réputation sulfureuse, à juste titre, dans une large mesure, à ses conditions tarifaires complexes et opaques et aux méthodes douteuses que certains émetteurs n'hésitent pas à employer pour maximiser leurs profits au détriment de leurs clients. Combien de porteurs ayant l'impression de disposer d'une réserve d'argent quasiment gratuite se retrouvent avec une dette qui croît exponentiellement jour après jour et les plonge dans la précarité ?
La solution radicale que propose TD Bank aux États-Unis consiste à éliminer tous les frais, commissions et autres intérêts normalement associés à la carte de crédit et à leur substituer un unique abonnement fixe mensuel. Elle existe dans deux déclinaisons, selon le plafond accordé : 1 000 dollars pour un tarif de 10 dollars par mois ou 2 000 dollars pour 20 dollars par mois. Ces limites relativement modestes indiquent probablement que la cible privilégiée est celle des consommateurs fragiles et/ou peu aguerris au crédit.
La communication officielle donne une idée de l'ampleur de la simplification opérée, en listant l'ensemble des postes de coûts habituels qui disparaissent de la sorte : transfert de solde, avance d'espèces, transaction à l'étranger, retard de paiement et versement rejeté. Seul mécanisme complémentaire qui reste en vigueur, le montant minimal de remboursement de l'encours (35 ou 60 dollars chaque mois, selon l'option retenue), dont le non respect pourra entraîner procédure de recouvrement et rupture de contrat.
Si l'idée sous-jacente de rassembler tous les frais d'un produit dans un abonnement forfaitaire est loin d'être originale (elle se retrouve notamment, ici et là, dans des modalités de découvert autorisé, des plates-formes d'avance sur salaire, des approches de règlement différé ou fractionné…), le mérite particulier de TD Bank est de l'appliquer pour la première fois à la carte de crédit, dont le manque de transparence quasi systématique constitue un handicap majeur bien connu (et de plus en plus sensible).
Il est vrai que la conjoncture est doublement propice à une telle évolution, entre l'irruption de nouveaux outils de financement à la facturation triviale (à l'instar du BNPL) et la propagation dans l'univers financier (malheureusement trop lente à mon goût, toutefois) d'une volonté de transparence accrue vis-à-vis des clients, parfois stimulée aussi par la réglementation. En ajoutant à l'équation la défiance d'une partie de la population, entre autres parmi les jeunes, il est temps de réformer les pratiques aujourd'hui dépassées.