Il fut un temps où je lisais beaucoup Philippe Sollers, je le lisais assez systématiquement. Entre mes vingt et trente ans, disons. Lorsque j'écrivais mon premier livre (J'en avais tiré ce texte, qui figure au chapitre 29 de Monsieur Lévy , Plon, 2003), j'ai éprouvé l'envie de le rencontrer. La rencontre n'eut rien de spécialement insolite, extravagant ou romanesque, mais l'on ne pouvait se tenir en face de lui sans être un tout petit peu décontenancé. Monsieur Lévy. Philippe Sollers, quatre-vingt six ans, vient de mourir.
Je n'aurais jamais dû consulter Éloge de l'Infini. Idiot confirmé, j'ai même replongé dans Une curieuse solitude, avec le secret espoir, assez pathétique j'en conviens, d'y rencontrer perles, scories et autres épluchures, l'ordinaire des écrits de jeunesse : après tout, Philippe Sollers aussi a été un jeune écrivain. Idiot sans doute, fou pas encore : je ne suis pas allé jusqu'à rouvrir Femmes - une leçon, passe encore, mais une humiliation... Alors ? Non seulement je n'ose plus lui faire le portrait, mais je m'aperçois d'une chose terrible : je m'écoute écrire. Je ne suis pas un jeune écrivain pour rien. Le jeune écrivain s'écoute écrire. Pas tous bien sûr. Pas les bons.
J'ai voulu trop bien faire, comme un jeune écrivain. L'écrivain confirmé allège, épure, soulage. déleste, taille, filtre, réduit, sabre, estompe ; le jeune écrivain joue au grantécrivain. Il y a un mot pour cela, pour désigner celui qui veut toujours trop bien faire. Pas méticuleux non, ni perfectionniste, ni même professionnel, non : laborieux. Celui qui veut toujours trop bien faire est un laborieux. Je suis un laborieux. J'aurais pu me contenter de raconter ce petit moment passé en face de lui, dans le zinc au pied de la rue Sébastien-Bottin. Il aurait suffi de dire mon attachement à cette gueule d'ange. De dire cette manière toute en préciosité, désinvolture, exhibitionnisme, de tenir sa blonde. De laisser sécréter ce sourire où ça susurre et ça suinte. D'épier ce regard de gros chat malade et malin. De croquer la chair de ce visage poupon, joues fardées par la rigole, doigts mielleux caresses exquises. Ce petit bec suceur, qui est une bouche à l'origine. Il aurait suffi de dire mon embarras. Moi souris entre les papattes du gros chat : " Alors, monsieur Villemain, qui êtes-vous ? " Qui suis-je ?! J'avais pensé à tout, mais pas à une telle entrée en matière. " Le quoi existentiel, pour un écrivain qui n'a plus honte de l'être (qu'on n'arrive plus à culpabiliser de l'être), est seulement de continuer à écrire sans tutelle. " D'accord, mais quand la tutelle s'appelle Sollers ? Et que les livres " agissent en sous-main " ? Quand, précisément, on n'a pas le droit, en face d'un tel bonhomme, de se contenter de son identité laborieuse ?
C'est drôle tout ce qui se dit sur Sollers. Moi, j'ai toujours trouvé qu'il disait ce qu'il fallait : le fond religieux du monde, l'hystérie des masses, le consumérisme consolateur, la censure des puritains, l'autocensure de leurs auxiliaires, les hommes et les femmes, l'unité des sens, plaisir et poésie, , Pavlov court après son chien (ou l'inverse), des petites choses comme ça. Être coiffé comme un moine et libidiner à longueur de plateaux : le hiatus est une allégorie. Pour l'étrangeté, c'est parfait : en voilà un, de " médiatique ".Et B-HL, alors ? Big Brother is watching you
Entretien à suggestions uniques.
Suggestion - Des amis, des ennemis. Proposition - Rarement vu quelqu'un aussi attaqué. Permettez que j'ajoute quelque chose ? Je vous en prie. On se sent moins seul.
chose ? Suggestion - Permettez que j'ajoute quelque Je vous en prie. Un mot sur ma génération.
Proposition - Un peu de compassion.
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