Avant de dire avec les Français: Où va notre argent?, Agnès Verdier-Molinié leur dit comment l'État s'en empare. Ce n'est un secret pour personne que l'État français est vorace, mais si cela va sans dire, cela va mieux en le disant.
IMPÔTS, TAXES ET COTISATIONS
En France, les impôts, taxes et cotisations partout et sur tout représentent 1 195 milliards d'euros, soit 45,2% du PIB de prélèvements obligatoires, ce qui fait du pays le champion d'Europe de la pression fiscale.
Depuis 2017, ces prélèvements, après un répit, ne cessent d'augmenter en proportion de la richesse nationale en dépit du discours gouvernemental qui affirme maintenir le cap de leur baisse.
Mais tout le monde ne contribue même pas, contrairement à la petite musique d'ambiance. C'est surtout dans la poche des plus riches que l'État se sert pour parvenir à prélever, en 2021, 681 milliards d'euros d'impôts sur les ménages:
Factuellement, entre 2010 et 2021, le taux de redistribution en faveur des plus pauvres s'est accru de 34 points, tandis que les plus riches se sont vu ponctionner de 4 points.
Les entreprises françaises ne sont pas logées à meilleure enseigne:
148 milliards de prélèvements obligatoires supplémentaires pèsent sur nos entreprises par rapport à la moyenne de la zone euro (hors France) en 2021.
Tout est taxé en France: les abris de jardin, les piscines, les panneaux photovoltaïques fixés au sol, les chalets ou bungalows, les emplacements de tentes, de caravanes, de mobile-home etc.
En 2022, il y a eu:
- 61 milliards de taxes environnementales,
- 18 milliards d'impôts sur les successions,
- un coût estimé à 100 milliards pour les normes (83 570 pages en 2021): 80 à la charge des entreprises, 20 à celle des collectivités et des particuliers.
Si le pouvoir d'achat des Français diminue, ils le doivent à l'État qui se taille la part du prédateur:
- quand un patron paie 100, le salarié touche 47,
- la France est un des rares pays où l'on paie des taxes sur les taxes:
- la part de la CSG non déductible sur les salaires (au total la CSG rapporte plus que l'impôt sur le revenu: 127 milliards en 2020 contre 79),
- la TVA sur les taxes des produits énergétiques.
Soit un total de 16 à 18 milliards chaque année...
Et puis il y a la fraude, de deux sortes:
- la fraude sociale, estimée à 20 milliards a minima, où les aides sociales, telles que le RSA, sont les plus fraudées;
- la fraude fiscale, estimée à 30 milliards (les politiques, y compris des ministres, ne se montrant pas des citoyens exemplaires...) dont 11 milliards seulement sont retrouvés.
L'accès aux services publics est-il le même pour tous? Que nenni:
Plus nous payons d'impôts, plus nous devons payer cher une partie de nos services publics! La conséquence? Les riches se retirent du système public et la société est coupée en deux...
La suppression de la taxe d'habitation pour les résidences principales a eu pour corollaire l'explosion des taxes foncières et l'augmentation de la taxe d'habitation pour les résidences secondaires...
Les riches français sont les plus taxés d'Europe:
- Les prélèvements sur le capital dans le PIB s'élèvent à 10,7%, 2,5 points au-dessus de la moyenne de la zone euro;
- Les revenus du capital, dividendes et plus-values, sont taxés à 30% (en Allemagne à 26,4%).
Pourtant haïr les riches n'est pas la solution, pas plus que de faire partir des "bac + 5" pour faire entrer des "bac - 5"...
Quant aux Français résidant fiscalement en dehors d'Europe, ils paient plus de 10 000 euros de CSG sur leurs revenus fonciers par an et n'ont pas droit au remboursement de leurs soins en France.
DES MILLIARDS DE DÉPENSES
Chaque année les prévisions de dépenses publiques sont dépassées: en moyenne 43,7 milliards an pendant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, l'année 2022 atteignant le record de 83,1 milliards.
Depuis la crise de la Covid, la politique du chéquier bat son plein:
- chèque inflation,
- chèque alimentation,
- chèque énergie,
- chèque de rentrée scolaire.
Les dépenses publiques représentent environ 1 500 milliards et ne sont pas contrôlées, la Cour des Comptes, dont les finances sont opaques, se contentant de faire des observations qui ne sont pas exploitées par le Parlement...
Le total des aides sociales en France dépasse les 125 milliards d'euros par an, 5% du PIB dont:
- 17 milliards pour les APL (aides personnalisées au logement) et les prestations logement;
- 11 milliards pour le RSA: 2 millions d'allocataires dont seulement 40% sont inscrits à Pôle emploi et dont le retour à l'emploi est faible;
- 10 milliards pour les AAH (allocations adulte handicapé): 1,2 million d'allocataires.
Ces 125 milliards équivalent au cumul des budgets accordés au ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et de l'Intérieur en 2021...
Les retraites des agents publics, dont le mode de calcul des pensions est plus généreux que celui des pensions privées, sont financées par les impôts:
45 milliards d'euros des "cotisations employeur" de l'État et des employeurs publics sont en réalité des subventions payées avec les impôts des Français.
Le déficit du système de retraite est minimisé par le COR, Conseil d'orientation des retraites, parce qu'il ne tient compte que des déficits des régimes de salariés privés (13 milliards en 2020):
Le déficit réel de notre système de retraite serait plus proche de 43 milliards d'euros (soit presque 2% du PIB) en 2020.
Comme la dette publique n'est jamais remboursée et qu'à chaque échéance l'État réemprunte pour la rembourser, la charge de la dette, c'est-à-dire les intérêts, augmente. Si les taux montent, comme c'est le cas actuellement, cette charge explose:
En 2022, la facture devait être de 39 milliards selon ce qui avait été voté au Parlement. Ce sera 50 milliards à cause d'un dérapage lié à la part de dette indexée sur l'inflation...
D'autres dépenses sont de véritables scandales:
- le coût des congés bonifiés des agents publics d'outre-mer en service en métropole et des métropolitains en service outre-mer;
- le coût des grèves à la SNCF et à la RATP, dont les agents bénéficient d'augmentations supérieures à l'inflation, de régimes spéciaux de retraite avec des départs entre 54 et 59 ans et des pensions avantageuses financées par des subventions;
- l'effectif pléthorique des agents publics - un emploi sur 5:
Nous payons collectivement une quarantaine de milliards de trop tous les ans en masse salariale publique. Mais nous n'avons pas le droit de parler de productivité dans les services publics...
- le coût 21% plus cher de l'INSP, Institut national de service public, qui remplace l'ENA.
DES SERVICES PUBLICS À L'AGONIE
Quels sont les résultats mirobolants de ces dépenses publiques (qui représentent 58% du PIB)? Rien ne marche.
Exemples:
- Trois mois. C'est la durée minimale pour renouveler un passeport ou une carte d'identité.
- Le délai moyen du système judiciaire pour résoudre une affaire, au civil, est de 637 jours en première instance [...], 607 jours en deuxième instance [...] et 485 jours en Cour de Cassation.
- On a de plus en plus de personnel dans les hôpitaux, mais de moins en moins accès aux soins.
- Alors qu'en France sont dépensés 102 milliards pour l'Éducation nationale, soit 18 milliards de plus (en comparaison de part dans le PIB) que la moyenne de la zone euro: L'Éducation nationale est en crise, le niveau scolaire baisse, les professeurs sont démotivés...
- L'investissement public ne représente que 3,6% du PIB en 2021, dont plus de 58% sont à l'initiative des collectivités locales: La France emprunte pour faire tourner sa machine sans pouvoir préparer l'avenir.
- La France a dépensé depuis les années 1950 plus de 150 milliards pour le nucléaire et nous sommes en train de casser la production française et la croissance pour n'avoir pas entretenu ce précieux bien commun que sont nos centrales.
- Le coût de distribution des services publics est trop cher en France avec trop d'argent mis dans l'organisation et pas dans le service.
CONCLUSION
Agnès Verdier-Molinié propose vingt mesures de bon sens, adoptées par nos voisins, que la France devrait mettre en place et qui nous permettraient de savoir où va l'argent public:
Pourquoi n'est-ce pas déjà le cas? Tout simplement car nos administrations s'érigent en permanence contre le principe de rendre des comptes sur l'utilisation de l'argent public et sur la qualité des services publics.
Nous vivons dans l'illusion de la gratuité, dans l'illusion de la qualité, dans l'illusion de l'équilibre des pouvoirs. Il est temps de le réaliser et de demander des comptes sur l'utilisation de nos impôts, de notre argent public avant que d'autres, FMI et consorts, ne le fassent à notre place.
Francis Richard
Où va notre argent?, Agnès Verdier-Molinié, 286 pages, Éditions de l'Observatoire
Livre précédent aux Éditions de l'Observatoire:
Le vrai État de la France (2022)
Livres précédents chez Albin Michel:
60 milliards d'économie ! (2013)
On va dans le mur (2015)
Ce que doit faire le (prochain) président (2017)
En marche vers l'immobilisme (2018)
La France peut-elle tenir encore longtemps? (2021)