Après avoir fait la une de la presse il y a quelques mois en interdisant l'utilisation de ChatGPT à ses employés, il apparaît que JPMorgan Chase & Co. cherche à exploiter la star de l'intelligence artificielle générative dans le but d'anticiper les décisions des banques centrales et conquérir de la sorte un avantage dans ses activités de trading.
Pas de surprise dans la démarche, tous les intervenants sur les marchés financiers, de l'amateur dans sa chambre aux géants de l'investissement et leurs centaines de professionnels, se précipitent systématiquement sur chaque innovation technologique susceptible de leur faire gagner la moindre supériorité, espérant engranger ainsi des gains supplémentaires. La meilleure méthode consistant à prophétiser l'avenir (dont les mouvements de bourse), la conception de systèmes prédictifs est au centre du jeu.
En la matière, l'approche développée par J.P. Morgan est relativement élaborée et implique plusieurs composantes soigneusement orchestrées. Une première partie, celle confiée à ChatGPT, repose sur l'analyse des déclarations des responsables de la réserve fédérale américaine en amont de ses annonces officielles, au sein desquelles sont identifiées les orientations bellicistes ou pacifistes, matérialisées dans un indice « Hawk-Dove » qui sert ensuite de référence aux prévisions de sa politique.
En effet, l'entraînement préalable, sur un historique de 25 ans, d'un modèle d'apprentissage automatique (complémentaire à ChatGPT, donc) a permis d'établir une corrélation entre les propos tenus par les responsables avant les rendez-vous officiels et les actions présentées lors de ces derniers. À un second niveau, mieux maîtrisé par les opérateurs, les résolutions prises par les autorités ont des conséquences directes sur les principaux instruments financiers (actions, indices, obligations, bons du trésor…).
En résumé, la combinaison globale de ces différentes briques rend possible une projection des mouvements probables sur les titres à partir des commentaires partagés plusieurs jours, voire semaines, avant que leurs véritables événements déclencheurs ne surviennent. Un rêve de trader qui, comme beaucoup d'autres avant lui, devra toutefois être mis à l'épreuve des réalités, en particulier son évolution quand il se propagera dans l'industrie et l'impact de son existence sur les comportements des institutions.
À ce stade, J.P. Morgan, qui affirme que les résultats obtenus sur ses premières applications opérationnelles sont prometteurs, reste relativement prudente et considère encore son approche comme expérimentale. Sa modération ne l'empêche pourtant pas d'avoir déjà mis en œuvre son score « Hawk-Dove » sur les banques centrales britannique et européenne, une trentaine d'autres devant faire l'objet du même traitement dans les mois qui viennent. L'IA n'a pas fini de transformer l'univers de la finance…