Le tennis féminin espagnol est-il au bout du rouleau ?

Quand Arantxa Sánchez Vicario remporte son quatrième et dernier titre du Grand Chelem à Roland Garros en 1998 face à Monica Seles, c'est un livre qui se referme dans l'histoire du tennis ibérique. Elles seront plusieurs à tenter de reprendre le flambeau, de Lourdes Dominguez Lino à Virginia Ruano Pascual, en passant par Magüi Serna, Nuria Llagostera Vives, Anabel Medina Garrigues, Arantxa Parra Santonja ou, plus proche de nous, Carla Suarez Navarro. Toutes furent finalement éclipsées à l'exception d'une native de Caracas au Venezuela qui fit ses classes à l'académie Bruguera à Barcelone, Garbiñe Muguruza. Forte de ses quatre finales en Grand Chelem, dont deux remportées en 2016 à Roland-Garros et en 2017 à Wimbledon, la joueuse entraînée jusqu'à cette année par Conchita Martinez fut entre 2015 et 2020 l'éclaircie salutaire d'une nation en perte de vitesse dans la discipline. Éclaircie de courte durée. Il y a quelques semaines, sur les réseaux sociaux, l'ex-numéro une mondiale, âgée aujourd'hui de vingt-neuf ans, annonçait poursuivre un retrait des courts déjà entamé depuis quelques mois afin de se ressourcer. Muguruza aurait pu être le fer de lance d'une Espagne en quête de sa gloire passée mais, c'est finalement l'ombre qui s'abattit sur un pays étouffé par la rude concurrence européenne.
Le tennis féminin espagnol, bien moins en vue que son homologue masculin, a-t-il les moyens de se relancer ? La question est délicate car, il semblerait que nous assistions à la fin d'un cycle, entre le désir de Garbiñe Muguruza de s'éloigner du sport pour profiter de sa famille, de ses amis, et le questionnement d'une Paula Badosa subissant la pression due aux attentes du public et ne sachant trop comment l'apprivoiser (si tant est que ce genre de choses s'apprivoisent). Si l'espagnole née à Manhattan ne parvenait pas à franchir le cap qui lui permettrait de s'imposer dans les grandes compétitions (elle n'a plus gagné de tournoi depuis celui de Sydney en 2022 et a glissé cette semaine à la 42e place mondiale), qui pourrait alors ramener l'Espagne vers le haut ? Le talent ne manque pas mais, encore faut-il concrétiser. Quelques résultats encourageants ont cependant rallumé une lueur d'espoir grâce à des joueuses qu'on n'attendaient pas forcément et dont nous allons parler maintenant.
Cristina Bucsa, 25 ans :
Cette joueuse d'origine moldave, qui n'a toujours pas gagné le moindre titre sur le circuit WTA, a fait son entrée dans le top 100 en tout début d'année, atteignant même le troisième tour à l'Open d'Australie avec une victoire retentissante sur Bianca Andreescu, alors qu'elle était issue des qualifications. Auparavant, elle avait été demi-finaliste de l'Open d'Andorre (WTA 125) et avait atteint le deuxième tour de l'US Open après être passée également par les qualifications. Aujourd'hui soixante-dixième, son niveau irrégulier ne devrait pas lui permettre de progresser plus, même si un top 50 est encore possible.
Rebeka Masarova, 23 ans :
Naturalisée espagnole en 2018, la bâloise totalise vingt victoires (WTA, ITF et Grand Chelem confondus) depuis le début de l'année, avec en point d'orgue une finale à Auckland (WTA 250) alors qu'elle n'était que 130e mondiale. Si elle ne put rien faire contre Coco Gauff, elle a tout de même accroché à son tableau de chasse Sloane Stephens, Anna Blinkova et Karolina Muchova. On l'a retrouvé un peu plus tard à Linz (WTA 250) où elle a vaincu au premier tour la russe Ekaterina Alexandrova, et plus récemment à Oeiras (ITF, W100) où elle est venue à bout de Sara Errani, Clara Tauson et Mayar Sherif avant de caler en finale contre Danka Kovinic. La grecque Maria Sakkari l'a stoppé au troisième tour du WTA 1000 de Madrid bien qu'elle ait réussi à lui prendre un set. Le top 30 n'est pas un objectif impossible au vu de la marge de progression qu'elle possède.
Marina Bassols Ribera, 23 ans :
La jeune catalane se rapproche petit à petit du top 100 (119e au dernier pointage). Si ses difficultés d'adaptation sont grandes sur le circuit WTA, elle a pu retrouver un second souffle sur le World Tennis Tour en gagnant trois tournois en 2022 dont celui de Valence (W80), son succès le plus prestigieux à ce jour. A-t-elle les moyens de figurer parmi les cent premières ? Sans doute, encore faut-il qu'elle parvienne à enchaîner les victoires en WTA, ce qui n'est pas une mince affaire. 
Aliona Bolsova, 25 ans :
Née en Moldavie, comme Cristina Bucsa, elle a repris goût à la victoire en alignant de bonnes performances sur le circuit secondaire. Victorieuse à Madrid (W80) et plus récemment à Koper (W60), en Slovénie, à chaque fois sur terre battue, la voici remontée au 130e rang mondial, certes encore loin de son meilleur niveau, 88e, atteint en 2019. Un classement qu'elle aura beaucoup de mal à retrouver si elle n'est pas plus efficace sur le circuit WTA où elle n'a que très rarement brillé. Peu se souviennent de sa formidable épopée à Roland-Garros en 2019 lorsqu'elle avait atteint les huitièmes de finales après des victoires sur Vera Zvonareva, Sorana Cirstea et Ekaterina Alexandrova.
Rosa Vicens Mas, 22 ans :
Aperçue au début du mois au tournoi de Bogota en WTA 250, où elle avait réussi à sortir des qualifications avant de tomber au premier tour contre l'américaine Peyton Stearns, elle se rapproche doucement de son meilleur classement (175e) après avoir remporté en 2022 trois titres sur le circuit ITF, plus un à Tucuman (W25) le mois dernier. Une pure joueuse de terre, comme l'Espagne en sort tous les jours mais, elle aussi limitée à évoluer en division inférieure en raison de son classement.
Jessica Bouzas Maneiro, 20 ans :
Après de belles années en Juniors, elle a connu un pic de forme l'année dernière en gagnant cinq titres sur le circuit ITF, dont trois sur terre battue. Elle a ensuite échoué de peu à se qualifier en janvier pour le tableau principal de l'Open d'Australie, battue au tour qualificatif par Brenda Fruhvirtova puis, est repartie sur le World Tennis Tour où on l'a vu se hisser en quarts de finales à Sunderland (W60) et Koper (W60).  Avant cela, elle a fait partie de l'équipe d'Espagne en United Cup aux côtés de Rafael Nadal et Paula Badosa, parvenant à gagner un match contre l'australienne Olivia Gadecki. La voici désormais dans le top 200. 
Angela Fita Boluda, 23 ans :
Cette native de Valence est une habituée du circuit ITF et une vraie joueuse de terre battue, victorieuse de quatre tournois dont un ce mois-ci à Telde (W15). Mais, son plus gros succès à ce jour est un W60 à Brescia qu'elle avait remporté en passant par les qualifications et avec des victoires sur Stefanie Voegele, Ylena In-Albon, Yuliana Lizarazo et Despina Papamichail. La route est cependant encore longue si elle veut intégrer le top 200. 
Irene Burillo Escorihuela, 25 ans :
Aux portes du top 200 il y a un an, elle a depuis rétrogradé au-delà de la 300e place, la faute à une année 2022 sans le moindre titre (elle en a gagné quatre en ITF entre 2015 et 2021). On l'a tout de même vue atteindre le dernier carré cette année à Santo Domingo (W25) et les quarts de finales à Saragosse (W80). Passée par les qualifications au WTA 1000 de Madrid, où elle parvint notamment à se débarrasser de la tchèque Tereza Martincova, elle a produit une grosse performance dans le tableau principal en éliminant au premier tour l'estonienne Kaia Kanepi avant de tomber avec les honneurs contre Coco Gauff qu'elle bouscula dans le premier set. C'est son plus bel ouvrage à ce jour dans un tournoi de ce calibre. 
Alba Rey Garcia, 20 ans :
Gros potentiel chez cette jeune joueuse, demi-finaliste cette année à Antalya (W25) et Manacor (W15), quart de finaliste au Havre, mais surtout victorieuse en décembre dernier de son premier tournoi professionnel à Valence (W15) où elle n'a pas perdu le moindre set. Passée rapidement par la case Juniors, elle n'avait que quinze ans lorsqu'elle a commencé à disputer ses premiers tournois sur le circuit ITF Dames. De quoi acquérir de l'expérience, même si on ne l'a toujours pas vu sur le circuit WTA. Il va falloir pour cela qu'elle fournisse de gros efforts. 
Charo Esquiva Bañuls, 15 ans (photo ci-dessus) :Elle est actuellement l'objet de toutes les attentions au tournoi d'Offenbach où elle joue ce dimanche la finale de cette prestigieuse épreuve J500, à la surprise générale, alors qu'elle est passée par les qualifications. Mais, ce n'est pas là le seul fait d'armes de cette adolescente qui s'est faite un nom en gagnant en mars dernier le tournoi J200 de Valence aux dépens de la française Sarah Iliev. En février, elle avait déjà frappé un énorme coup en s'octroyant la quarante-huitième édition du Campeonato Comunidad Valenciana, sur les courts de l'académie Juan Carlos Ferrero, en battant en finale Angela Fita Boluda, pourtant bien plus expérimentée qu'elle. Est-ce l'heure de la relève ?