Louis, c’est le grand-frère de ma mère. De ce que l’on m’a raconté, c’était l’enfant parfait. Ce petit carnet qui regroupe les notes qu’il prenait à l’école en témoigne.
Formules de géométrie, éducation religieuse, prière pour la fête des mères, géographie, histoire, paroles de la Marseillaise, déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen… Une cinquantaine de pages soigneusement calligraphiées, sur ce qu’il devait apprendre ou ce qui avait de l’importance à ses yeux.
Témoignage de l’éducation du milieu du siècle.
Lorsque les dernières pages ont été écrites, la guerre venait de se terminer. C’était en 1946.
Les années suivantes, il ne les aura pas écrites. La chronologie s’arrête subitement.
Une intoxication alimentaire dans son pensionnat, prise en compte trop tard par les religieux qui le tenait, et une septicémie fulgurante.
Lorsque mon grand-père et ma grand-mère ont été prévenus, il était déjà trop tard. C’est son corps sans vie qu’ils ont emmené chez le médecin, à l’arrière leur Traction, dans un dernier espoir.
Ma mère est née quelques années plus tard. Elle n’aura jamais connu Louis, son grand-frère. Elle était l’enfant de remplacement. Aimée, mais qui ne pourrait jamais remplacer le petit Louis.
Ce petit carnet, je le garde précieusement. Il témoigne d’une partie de l’histoire, souvent tue, de ma famille.