Clément Viktorovitch a toute ma sympathie mais pour des raisons que j’ignore il m’arrive souvent de relever quantité d’erreurs dans ses chroniques dont je partage le fond mais déplore le manque de rigueur.
Ainsi en est-il de cette intervention chez Quotidien où cela démarre très fort :
« Sauf qu’ils [les macronistes] auraient pu utiliser un autre mot, non pas augmenter les impôts, mais augmenter les cotisations«
C’est effectivement bien le terme de cotisations qui est employé par le COR (Conseil d’Orientation des Retraites) et Clément Viktorovitch renvoie vers le site de service public qui explique la différence entre ces deux termes. La cotisation ouvre droit à des prestations là où l’impôt est sans contrepartie.
On pourrait déjà discuter de ces définitions puisque les impôts offrent tout de même des contreparties (oui oui nos impôts financent l’armée, la justice…) et l’on pourrait même dire que le premier impôt est la contrepartie de notre sécurité. A contrario, vous pouvez cotiser et au final ne pas bénéficier des aides retour à l’emploi parce que vous démissionnez.
En général on parle de cotisations quand on décaisse à la Sécurité Sociale. Et on parle d’impôts et de taxes quand cela va à l’Etat. Rappelons que le budget de la Sécu est presque trois fois supérieur à celui de l’Etat…
L’erreur vient du fait que la page web mentionnée est celle de l’Etat qui souhaite parler du cas particulier de la CSG qui est bien prélevé par l’URSSAF mais qui concerne tous les revenus et pas uniquement les salaires… d’où une une similarité de principe avec l’impôt sur le revenu.
Bien sûr Clément Viktorovitch a tout à fait raison que le recours au terme trompeur d’impôt par le gouvernement vise à tromper son monde. Il est vrai que le terme « cotisations » fleure bon la solidarité tandis que personne ne veut payer plus d’impôt…
Mais le passage qui me dérange c’est quand on va sur le registre de l’entreprise à savoir le recours tout aussi vicieux des macronistes du terme « charges sociales », celles-ci devant évidemment baisser car elles pèsesnt sur la compétitivité des entreprises bla bla bla.
Et là la phrase qui décrédibilise toute la chronique : « Charge n’est pas stricto sensu un concept économique » . Mazette !
Alors si si aucun souci. En économie il y a un truc un peu lourdingue qui s’appelle la comptabilité et qui évoque 4 notions fondamentales : actif, passif, produits, charges.
Je me permets donc de faire un petit memento pour l’ami Viktorovitch :
- Passif: Porte mal son nom. C’est tout ce que la personne doit à un instant t
- Actif : Porte mal son nom. C’est tout ce qui est dû à la personne à un instant t
- Produits : Porte mal son nom. C’est tout ce qui est dû à la personne pendant une période
- Charges : Porte mal son nom. C’est tout ce que la personne doit pendant une période.
Les comptables hurleront en voyant de telles définitions mais c’est volontairement que je vise « large ». Pour donner un exemple, au passif vous trouvez les emprunts bancaires… et les réserves dont on ne voit pas trop à première vue à qui on les doit ! [patience…]
Les charges se répartissent en général en quatre catégories. Le plan comptable les définit en classe 6 Compte de charges.
- charges d’exploitation : typiquement les factures de fournisseurs (électricité, loyer, prestataires…)
- charges financières : typiquement les intérêts, les agios… eh oui les financeurs ne sont pas des fournisseurs lambda ! je plaisante, il y a un peu de logique à distiguer.
- charges exceptionnelles : tous les trucs bizarres que le comptable ne sait pas où ranger. Typiquement les amendes, les pénalités, les pourboires… et les dons aux associations.
- charges sociales : je vous jure que ca existe, que c’est écrit sur toutes les plaquettes comptables de France. En gros le compte 6.4 c’est « Charges de personnel » et le 6.4.5 s’intitule « Charges de sécurité sociale et de prévoyance », le 6.4.7 s’appelle « Autres charges sociales ». et le 6.4.8. « Autres charges de personnel »
Vous aurez deviné que les cotisations sociales sont reportés dans le compte 6.4.5. Les autres charges sociales sont les versements au comité d’entreprises ou encore la médecine du travail.
Pour ceux qui découvrent la comptabilité, je veux quand même préciser que ce n’est pas non plus vraiment ma tasse de thé au sens où cette « discipline » a comme première tâche de ranger des choses au bon endroit, les chaussettes, dans le tiroir où c’est écrit chaussettes. Parfois, quand vous tombez sur un legging, certains comptables vont mettre cela dans pantalons, d’autres dans collants. Les grosses catégories, elles, ne bougent pas trop mais je pense qu’effectivement il est assez illogique de dire parfois « social » et parfois « de personnel« .
Comme toujours, l’étude des mots c’est surtout une étude de l’histoire. De même que l’union des astronomes a du un jour dire que Pluton n’était pas une planète en redéfinissant a posteriori ce qu’était une planète, de même il existe des congrès dans cette profession comptable qui discutent de la façon de classer et des termes à choisir.
Mon propos est simplement de dire que du point de vue comptable… les salaires et les cotisations… ce sont des charges. Mais qu’évidemment une entreprise ne doit pas avoir uniquement une vue comptable. Tenez par exemple, le terme désormais habituel de « ressources humaines » qui a remplacé « gestion du personnel ». C’est typiquement la même chose. On réalise d’un coup que les personnes… sont des ressources.
C’est la même chose si j’emploie le terme « coût » ou « prix ».
On y reviendra…