Quand Lisa Singer (Forrester) vante les bienfaits de la curiosité, et pas uniquement dans un but d'innovation, elle s'adresse aux responsables de produit. Je pense toutefois que ses arguments valent pour tous les départements des entreprises, surtout dans un contexte où on exhorte sans cesse ces dernières à focaliser leur attention sur leurs clients.
Parce qu'elle tend à déranger, la « sagesse » populaire nous enseigne que « la curiosité est un vilain défaut ». Or cette perception de courte vue, répandue dans de nombreuses cultures, a des effets pervers dans un monde en évolution permanente. Car, selon Lisa, elle constitue une des clés de la performance des chefs de produit « digitaux » et elle en décortique quatre raisons principales. Il restera à savoir comment la réhabiliter et lui redonner une place de choix alors qu'elle est étouffée dès le plus jeune âge.
En synthèse, la vertu capitale de la curiosité appliquée aux activités professionnelles est sa capacité d'incitation à découvrir et comprendre les véritables besoins d'un utilisateur. S'il est toujours plus facile et rapide de s'appuyer sur les stéréotypes incrustés dans les habitudes historiques ou de se contenter d'études superficielles, celle ou celui qui creuse son analyse aura toutes les chances d'aboutir à des conclusions plus précises et plus pertinentes et saura établir des priorités entre les différentes exigences identifiées.
Un avantage dérivé de cette recherche en profondeur est de réduire l'impact des biais cognitifs qui affectent notre cerveau humain. Plus l'exploration est poussée et élargie, moins on courra le risque de s'arrêter aux facteurs qui valident des hypothèses prédéterminées (le biais de confirmation), mais également de négliger des dimensions traditionnellement écartées ou oubliées, de s'abstenir de prendre en considération des populations marginalisées… en un mot, de s'enfermer dans le cadre existant.
Dans un autre registre, la curiosité représente aussi un formidable moyen de stimuler la créativité et favoriser l'innovation. Dans un sens positif, elle contribue à la reconnaissance d'opportunités, inédites ou issues d'autres domaines (au sein ou hors de l'organisation), permettant de mieux répondre aux attentes de la cible retenue et de développer des solutions plus efficaces. A contrario, elle peut aussi servir à anticiper des menaces, difficultés, dangers… et à prendre des mesures de mitigation en amont.
Convaincu⋅e ? Il ne vous reste qu'à cultiver la curiosité dans vos équipes, quelle que soit sa mission. Pour ce faire, une seule stratégie : il faut encourager le questionnement. Répété et réitéré, jamais rejeté ni méprisé, le « pourquoi », en particulier, est un instrument puissant, grâce auquel on peut remonter aux sources des problèmes, clarifier les raisonnements, remettre en cause le statu quo, atteindre des solutions originales… Hélas, comme toujours avec les comportements, le changement ne se décrète pas et requiert de la patience. Alors, commencez donc par donner l'exemple !