Vous l'avez sans doute entendu : les élites (politiques,
intellectuelles, économiques, administratives, ...) sont constituées au
pire de pourris, au mieux d'incapables. Un discours populiste qui revient
partout, jusque parmi les élites (intellectuelles, culturelles,
administratives, politiques). J'en connais qui... Ils se reconnaîtront.
Ces
affirmations pourraient réjouir. Elles semblent impliquer que le fait
d'exercer une fonction de prestige ou de commandement pervertit
l'individu. Que n'importe quel brave homme qui s'élève dans une
hiérarchie par ses mérites, ses relations ou son ancienneté, se fait
corrompre par le pouvoir qui lui est accordé ainsi. Le pouvoir c'est
donc le mal ? Vive l'anarchisme !
Eh
bien non, ce ne sont pas les conclusions qu'en tirent les populistes.
Les hommes, pour eux, ne sont pas dépravés par le pouvoir, ils sont
simplement révélés. Une vision pessimiste, à la Machiavel. Tous,
chacun, vous, moi, nous serions à la base nuls et pleins de mauvais
instincts : profiteurs, paresseux, oppresseurs, vampires, incompétents,
prêts à nous goberger et à sacrifier autrui à nos intérêts. Tous prêts
à jouir sans vergogne des moindres possibilités. Il suffit de nous
accorder une fonction et c'est l'abus. Bon.
Mais
c'est là où ça devient bizarre : logiquement, pour résoudre ce
problème, les populistes devraient exiger la réduction du pouvoir. Or,
c'est le contraire. Ils veulent plus de contrôle, d'oppression, de
flicage pour combattre le désordre et l'incapacité naturellement
générées par la nature humaine. Des chefs forts, décidés, tranchant
dans le vif, qui bornent les mauvais instincts par la crainte et la
force.
C'est
incompréhensible ! Car si tous les hommes sont mauvais, il est
impossible que ces chefs soient différents des autres, eux, des
surhommes, parfaits, sages, imposant le bien à tous ! C'est pourtant ce
que ça semble postuler.
Ou
alors ces séides d'exception seraient dégagés du mal humain par leur
foi, leur fidélité, leur fanatisme à un homme providentiel ? A un
dictateur éclairé, cher au même Machiavel ? A un génie conduisant et
incarnant le peuple ?
Et là, vous voyez où ça conduit ? Mépris de l'homme, culte du chef, pulsions mystiques et soif d'autorité... Sieg Heil !