Toujours à la table des accusés, le lecteur doit parfois sans que l'épreuve de la torture ne lui soit imposée expliquer pourquoi il choisit plus tel livre qu'un autre dans sa longue pile.
Parfois le titre est décisif. Je lis très peu les quatrièmes de couverture et les préfaces. Donc, j’ai abordé ce livre en me disant que les nouvelles porteraient sur le djihadisme au nord du Mali et ses conséquences dans le Sahel. Le Bénin est fortement concerné. Plusieurs actes violents ont eu lieu au nord de ce pays. Mais cela reste un sujet complexe. Myrtille Akofa Haho propose huit nouvelles. Je vous parlerai d’abord de la première nouvelle Kidal. Ce texte se déroule effectivement à Kidal, cette ville dans le désert qui au coeur de rapports complexes entre maliens et français. Une jeune femme quitte le Bénin pour aller rejoindre un combattant. Elle a échangé avec lui sur les réseaux sociaux et elle est tombée amoureuse du jeune homme. Elle est donc prête à tout pour rejoindre son homme. Lui, est un guerrier, il n'entend pas abandonné les armes. Cher lecteur, chère lectrice, ça sent le roussi. Il y aura désillusion. Et comme dans toute bonne nouvelle, c'est la chute qui est attendue. Ici elle prend la forme d'une brutalité sourde. Et ce n'est pas celle attendue. Je vous laisse la découvrir et me proposer votre avis.
Je pourrais vous parler d'autres nouvelles. Ou pas. Parce qu'une semaine après ma lecture, je ne me souviens que d'une position d'ensemble mais pas des différentes histoires. Ce qui signifie quelque chose. Il y a une cohérence dans le thème de fond. Des femmes, le plus souvent en position extrêmement délicates. Parenthèse : Je n’écris pas toujours d’une traite mes articles. Je me suis déplacé ce week-end sans avoir avec moi ce recueil de nouvelles. C’est dans ce contexte que j’ai réalisé que je n’avais pas retenu le profil des différentes nouvelles exceptée Kidal. En relisant ces textes, je réalise un peu mieux que Myrtille Akofa Haho pose des portraits de femmes confrontées soit à la pulsion amoureuse, soit aux rivalités entre femmes au sein d’un foyer polygame, soit à la fragilité d’une veuve hantée par la présence de son feu mari ou encore une victime d’une injustice sociale qui refait surface par un imbroglio mystique… Si on considère l’église comme l’épouse de Christ, la dernière nouvelle achève cette galerie de portraits féminins.
La réaction de ces femmes selon Akofa Haho ne conduit absolument pas à une libération, mais elle traduit un enfermement. C’est une constante dans chaque nouvelle (excepté pour La taupe intelligente, mais le parcours même du personnage conteste cette proposition ). La mort, l’addiction, des sentences mystico-religieuses sont plutôt au rendez-vous. Peut-être est-ce l’attention de l’auteure ou une approche inconsciente. On peut regretter une certaine approximation dans la structure de ces nouvelles. En tant que lecteur, je pense que ces nouvelles auraient gagné à être plus travaillées car sur le plan de l'écriture elles ne sont pas assez élaborées. Je prendrai juste le cas de la nouvelle traitant de certaines conséquences néfastes de la polygamie. On a du mal à comprendre le propos. Assouhoun, conjugal. Un homme, quatre femmes, deux chambres, un salon. Parmi ces femmes, deux cousines du même âge. On peut souligner la promiscuité qu’impose Sonagnon qui met dans une maison comprenant deux chambres salon, quatre épouses. Un ami menuisier lui aménage une solution bâtarde pour les deux dernières épouses qui rentrent dans ce cadre inadapté. Le problème, est-ce Sonagnon, l’homme irresponsable qui crée cette situation explosive qui finit par exploser. Quand la nouvelle progresse, Sonagnon devient la victime malheureuse et une des épouses une meurtrière. On ne sait donc pas quoi penser de la nouvelle et de sa chute. Il se passe les mêmes choses dans d’autres nouvelles. Et je pense que c’est pour cela que je n’ai retenu les trames de ces histoires.
Faites-vous votre idée.
Myrtille Akofa Haho, KidalEditions Savanes du Continent, 2022, 112 pages