Originellement, la veillée mortuaire était une tradition fortement religieuse. Veiller la dépouille permettait au défunt de quitter son enveloppe physique avec les pensées positives de ses proches. Au fil du temps, cette relation avec l'église s'estompe et perd sa place prépondérante.
La psychologie prend la relève et nous enseigne que la veillée funèbre permet aux proches d'éviter le déni et de débuter leurs deuils. Aujourd'hui, les rencontres funéraires ont de nouvelles tendances. J'en ai vécu l'expérience avec le décès de ma tante Huguette.
Sa fille, Catherine, nous invite à une rencontre funéraire. Il n'y a pas de cercueil. Nous ne sommes pas dans un salon funéraire. Nous sommes plutôt dans un endroit de villégiature. Des ruisseaux parcourent le terrain. Plusieurs ponts donnent accès à de petites terrasses avec des bancs. Des plantes permettent des instants d'intimité. Un lieu de ressourcement, de paix intérieure, de calme et de sérénité. Catherine a choisi cet endroit parce qu'il correspond à la personnalité de Huguette.
Je renoue avec plusieurs membres de la famille. Des proches que je n'ai pas eu l'occasion de croiser régulièrement. La relation que je peux entretenir lors de cette rencontre est plus agréable que lors des veillées funéraires traditionnelles auxquelles j'ai assisté auparavant.
Catherine lance le signal d'une petite cérémonie. Au centre de la pièce, une grande photo en couleurs de Huguette, toute enjouée. Telle que je veux me souvenir d'elle.
Sur une base volontaire, chacun prend la parole et raconte une anecdote, un bout d'histoire qui la relie à la personne disparue. Plusieurs personnes ont présenté des tranches différentes de sa vie. J'ai appris beaucoup de choses sur Huguette.
Est-ce que l'absence du corps et de cercueil m'a empêché de débuter mon deuil? Non. Au contraire. Une dernière rencontre avec Huguette teintée de sérénité et de paix intérieure. J'en sors grandi et inspiré.
Merci Catherine pour cette belle rencontre.
Je me permets de vous partager ici un chapitre de la vie d'Huguette Viger.
En 1956, à peine 12 ans après que les femmes eurent obtenu le droit de voter aux élections provinciales, Huguette Viger travaillait à faire de la vente téléphonique pour La Presse.
Au milieu des années 1960, elle rejoint une équipe de représentants sur la route pour la publicité nationale du cahier Voyage de La Presse. C'est son amour de la vie, des voyages et le plaisir de rencontrer des gens qui l'a, tout naturellement, amenée vers cette transition professionnelle.
Huguette est ainsi devenue la première femme sur la route pour La Presse. Un travail qui l'a amenée à voyager un peu partout à travers le monde. Convaincue qu'une femme pouvait exceller dans ce travail, sept années plus tard, elle avait ouvert la voix à cinq autres femmes dans ce département.
Lors d'une entrevue à La Presse en 1970 où on lui demande si elle est une féministe, elle répond candidement : " Pas spécialement ". Pour Huguette, prendre sa place est un geste tout à fait naturel. Ce n'est pas un combat contre les hommes.
En 1973, dans un article paru dans Selling Travel (traduit par Simon-Claude Gingras), Huguette souligne:
Voyager est une façon de vivre. Il est donc naturel que les femmes soient aussi devenues voyageuses, et parfois même aventurières, voire exploratrices. Elles ont maintenant l'intérêt et les compétences pour en faire un gagne-pain. Durant les cinq dernières années, de nombreuses femmes se sont épanouies dans notre profession; beaucoup d'autres feront de même à l'avenir. On pourrait être tenté de croire, en cette époque d'émancipation féminine, qu'un domaine relativement nouveau comme le voyage soit en passe de devenir pour les femmes une autre façon de rivaliser avec les hommes. C'est loin d'être le cas.