Sans nouvelles depuis plusieurs mois et alors que, sans surprise, l'échéance de déploiement initialement fixée à 2022 est passée sans que pointe le moindre produit à l'horizon, l'initiative européenne de paiement – EPI – fait soudain parler d'elle… avec pas moins de trois annonces ! Qui confirment hélas la dérive pressentie dès son origine.
La principale information à retenir est la fenêtre de lancement de la solution : une phase pilote pourrait commencer en France et en Allemagne vers la fin de cette année, une généralisation incluant aussi la Belgique étant ensuite envisagée au début de 2024. Soit plus d'un an de retard sur le planning des premiers temps… avec un périmètre sérieusement réduit puisqu'il ne sera alors question que d'échanges entre particuliers. Aucune date n'est évoquée pour les paiements professionnels et marchands.
Ces délais, dont on imagine facilement qu'ils s'étaleront sur plusieurs années, n'empêchent pas le renouvellement de promesses mirobolantes (pour le siècle prochain ?). Seront ainsi couverts (un jour) les règlements récurrents pour les abonnements, le paiement à la livraison ou à tempérament, les options différées et/ou fractionnées, les programmes de fidélité… En revanche, les prétentions transcontinentales du dispositif ne sont guère étayées au-delà des trois pays cités.
Car une autre évolution concerne l'actionnariat dans la société porteuse de l'EPI. Quatre établissements supplémentaires font ainsi leur entrée dans le club, portant le total à 16. Outre un belge (Belfius) et un allemand (DZ Bank), deux poids lourds néerlandais rejoignent ING : ABN AMRO et Rabobank. Au mieux, la zone d'influence pourrait ainsi s'étendre aux Pays-Bas, mais, même si elle représente plus de la moitié des paiements (hors espèces) en euros, on reste fort loin d'une plate-forme paneuropéenne.
Enfin, la dernière actualité partagée révèle probablement un changement de stratégie. Il s'agit de l'acquisition de deux acteurs de référence sur le marché du Benelux, Payconiq et iDEAL (qui explique peut-être les ralliements concomitants). Combiné avec la révélation que la déclinaison française de l'EPI s'appuiera sur Paylib, le porte-monnaie mobile des banques hexagonales, il semblerait que ma suggestion d'essayer de fédérer les produits nationaux existants plutôt que de repartir de zéro ait finalement trouvé un écho !
Coïncidence amusante, Visa a apparemment eu une idée similaire, pour l'instant confinée aux États-Unis, avec, certes un objectif a priori différent (les frontières entre états n'étant pas un sujet, là-bas). Si le concept devait être développé dans le reste du monde, certainement à une vitesse autrement plus élevée que le train prudent de l'EPI, nul doute que ce dernier en souffrirait… Un comble pour un système qui est né sur l'ambition, désormais mise en sommeil, de détrôner les réseaux de carte américains.
Dernière source d'interrogation, les associations européennes du secteur du crédit exprimaient il y a quelques jours leur souhait d'une clarification sur la future identité digitale des 27, qu'elles soupçonnent de vouloir inclure obligatoirement le paiement dans son champ d'action. D'un côté, quelques banques veulent imposer leur instrument universel, tandis que, de l'autre, l'industrie prétend que la charge que représenterait une telle implémentation serait insupportable… La convergence n'est pas pour demain…