C'est dans ce contexte qu'il fit la connaissance de son colocataire.
Lui, François Monney, est romand, son colocataire Franz Meyer, alémanique. C'est peu de dire qu'il a de la prévention envers ce dernier, surtout après ce vote historique qui a vu, le 6 décembre 1992, le rejet de justesse par le peuple suisse de l'adhésion à l'Espace économique européen.
Ils habitent un garden flatà Ealing. François et Franz pensent qu'ils ne seront jamais amis, en raison de la barrière des langues: le peuple a dit non grâce à la partie alémanique du pays. François s'indigne du paternalisme de Franz, qui se veut protecteur, mais ils ont un terrain d'entente:
Peu importe finalement si les Welsches et les Bourbines ne se comprenaient pas; leurs réflexes quotidiens se rejoignaient à la caisse du supermarché. Certes, le service militaire et la démocratie directe comptaient, mais c'était du pipi de chat en comparaison de Coop et Migros.
Huit ans plus tard Patrick Claudet balade le lecteur entre Genève et Zurich, où François et Franz résident respectivement. François travaille pour un magazine de tourisme, Franz pour une entreprise qui fabrique des brossettes pour les dentistes. L'un est journaliste, l'autre comptable.
Au même moment, François est atteint par sa rupture avec la comédienne Carole Berger qui le trompe avec un Alémanique, Franz par le burn-out qu'il connaît au bureau où son chef, Sven Minder, vient de lui imposer une collègue, Manon, une Française qui lui fait du rentre-dedans.
Franz et François, en dépit de leurs préjugés, sont devenus des amis qui se disputent comme un vieux couple. Leur histoire racontée par l'auteur est jalonnée de références à des épisodes survenus en Suisse dans les années 1990 mettant aux prises Romands et Alémaniques.
Le clou de cette satire sur cet antagonisme se déroule lors d'une soirée organisée dans un palace genevois, comprenant un repas de charité suivi d'une vente aux enchères au bénéfice d'une association, à laquelle participent François et Franz et où ils risquent de ne pas bien se tenir.
Leur amitié incompréhensible n'en est pas moins une amitié avec des conséquences pour les deux. François ne saura jamais à quel point Franz est Un ami presque parfait. S'il fallait résumer cette amitié, peut-être faudrait-il citer ce qu'il lui dit un peu plus tard quand ils se revoient:
De toute façon, il n'y a pas grand chose à dire au sujet des Romands et des Alémaniques. On n'a rien à voir les uns avec les autres mais on vit très bien ensemble, fin de l'histoire.
Francis Richard
Un ami presque parfait, Patrick Claudet, 312 pages, Éditions de l'Aire