Petit retour en ce lundi matin sur un livre sur le cinéma publié en début d'année par les toujours excellentes éditions Playlist Society et qu'on a eu envie de rattraper.
"Fred Astaire, la haute société du spectacle" est une monographie consacrée à l'une des personnalités phares de l'histoire du cinéma, un livre qui propose aussi d'analyse en filigrane le point de vue de l'industrie hollywoodienne sur le capitalisme, le travail, l’amour et le divertissement.
"C'est par cette souplesse que Fred Astaire se distingue d'autres stars hollywoodiennes: pendant plus de vingt ans, il a participé à la machine a rêve, tout en trahissant les mécanismes. Légereté, reproductibilité, hypnose, tabou du travail, mythe de la spontanéité..., domination masculine sont autant de non dits du spectacle holywoodien que le danseur a tantot perpetué, tantôt contribué à aborder comme tels pour la première fois. Fred Astaire est, par ses choréagraphies, le produit et le conspirateur de sa propre fétichisation, apologue obstiné d'une haute société du spectacle."
"Fred Astaire prend ses cliques et ses claques" titrait Libération le 23 juin 1987 au lendemain de sa disparition. L'habit, la canne, le sourire, le chapeau claque, l'élégance et la grâce aérienne suspendue pour l'éternité dans une photographie extraite de Top Hat couvrait ce matin-là toute la une du quotidien.
Et pourtant, plus de 35 ans plus tard, Fred Astaire semble avoir peu à peu disparu de l'imaginaire du grand public et même des cinéphiles, car même si la silhouette semble encore identifiable, peu peuvent s'enorgueillir d'aller régulièrement piocher dans son oeuvre cinématographique.
Avec Fred Astaire, la haute société du spectacle, le critique de cinéma Timothée Gérardin, déjà auteur d'un formidable ouvrage sur Christopher Dolan, se propose ainsi à repartir à la découverte des inventions d’un illusionniste facétieux avec une dimension vulgarisatrice qui rend son essai accessible au plus grand nombre, tout en proposant une approche étonnamment matérialiste de son parcours.
Car, alors même que sa carrière épouse les promesses d’un capitalisme enchanteur, Astaire joue avec son image et présente à l’industrie du divertissement un miroir déformant.
De ses duos avec Ginger Rogers dans les années 1930 aux comédies musicales en Technicolor des années 1950, Fred Astaire aura autant révolutionné la danse au cinéma qu'abordé, par le prisme de la danse des problèmes de productivité économique ou d'obsolescence programmé, tout un tas de sujets sociétaux et économiques qui sont encore totalement en vigueur plus d'un demi siècle plus tard.
Une dimension qui sort des clichés et de l'image grand public de Fred Astaire et qui ne peut être que saluée.
Fred Astaire, la haute société du spectacle, Timothée Gérardin, Playlist society, janvier 2023