Etienne, Nina, Adrien. Trois enfants un peu paumés, chacun à sa manière. Adrien, timide, délicat, élevé par une mère seule qui était la maitresse d'un homme qu'il ne connaît pas. Nina, abandonnée par sa mère aux bons soins de son grand-père. Etienne, enfant du milieu d'une famille riche, jamais à la hauteur aux yeux de son père. En 1986, ils ont dix ans, sont en CM2 dans un petit village et deviennent des amis fusionnels qui se promettent de partir à la grande ville ensemble une fois grands. Les années passent, ensemble. Puis chacun trouve sa voie, malgré leurs promesses. Mais en 2017, une voiture est retrouvée dans le lac près du village et elle contient un corps, depuis plus de vingt ans. Virginie, une journaliste qui s'intéresse l'affaire, est aussi une personne qui observe ces trois-là depuis très longtemps, fasciné par leur histoire.
Un gros coup de coeur comme je n'en avais pas eu depuis longtemps. Un pavé avalé en deux jours. Et de manière tout à fait inattendue.
La narration alterne les époques. Elle commence en 2017, avec cette Virginie dont la présence restera très mystérieuse jusqu'à la fin du roman. Les trois protagonistes, quadragénaires, témoignent d'une vie amère, aux drames enfouis, et les allers-retours entre les époques vont, petit à petit, apporter des pièces au puzzle et reconstituer leurs vies.
Dans ce grand déroulé, les projecteurs sont particulièrement braqués sur l'adolescence. Point de basculement, d'excès, de découvertes, de fusion comme de divergence. Le passage à l'âge adulte, c'est un des sujets de ce roman. Ici, il se fait avec douleur, amertume, en décalage, avec une désillusion lente devant l'inexorable réalité qui se rappelle à eux et qui les dépasse. Et on se laisse gagner par cette vague de mélancolie. Nina et son mariage précoce loin du conte de fée espéré, Adrien et ses rêves littéraires dont personne ne doit rien savoir, et Etienne hanté par le souvenir de Clotilde, disparue le soir de leur dernier rendez-vous.
Car le gros point fort de ce roman, ce sont ces personnages, aux vies à la fois terriblement romanesques et épouvantablement banales, en quête d'un bonheur qu'ils ne parviennent pas à trouver parce que la vie, c'est moche, c'est gris, c'est douloureux. Ils vivent tous plusieurs vies en une, et chacune de leurs vies m'a fasciné. À chaque chapitre, j'ai espéré avec eux qu'ils parviennent à réaliser leurs rêves, qu'ils sachent s'aimer, se retrouver quand ils se perdaient. Et j'ai été déçue avec eux, dans la douleur, dans l'amertume, jusqu'à cette fin qui finalement les réunit. Ce que j'ai aimé, c'est que même quand il joue le roman d'apprentissage ou qu'il prône la toute-puissance de l'amitié, ce livre esquive les grands sentiments habituels en quelque chose de beaucoup plus profond, beaucoup plus trouble et beaucoup plus sensible. Et il fait mouche.
La note de Mélu: un coup de coeur!
Un mot sur l'autrice: Valérie Perrin (née en 1967) est une autrice française lauréate de plusieurs prix pour ses deux premiers romans.