prakāśa-mātraṃ yat proktaṃ bhairavīyaṃ paraṃ mahaḥ /
tatra sva-tantratā-mātram adhikaṃ pravivicyate // 1
Ce que l'on dit être 'pure lumière'
est la suprême grandeur divine.
Là, ce que l'on peut discerner de plus
est pure liberté.
Abhinavagupta, La Lumière des tantras, II, 1
Ce verset est extrêmement profond !
Autre traduction :
Ce que l'on déclare 'manifestation et rien de plus'
est la majesté transcendante de Bhairava.
Ceci étant posé, ce que l'on distingue outre (cette manifestation)
est liberté souveraine, et rien de plus.
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'Manifestation', prakāśa. Littéralement 'lumière', 'illumination'.
A la fois la lumière manifestante et ce qui est ainsi manifesté.
La lumière manifestante est le sujet, l'expérience, la source ; ce qui est 'ainsi manifesté' est l'objet, le contenu.
Et ce contenu n'est rien de plus que sa manifestation.
Comme une sorte de projection holographique dans le vide, sans support, l'objet lumineux n'est rien d'autre que la lumière
qui l'illumine.
Une sculpture de lumière : voilà ce que sont toutes choses.
La lumière n'illumine pas les choses : elle les fait exister ainsi.
L'acte de manifestation ne manifeste pas des choses préexistantes à cette manifestation. Non, manifester, c'est faire exister, jusqu'au moindre atome.
Pourquoi ? Parce que rien - et même le 'rien' - ne peut être perçu, ni imaginé, ni conçu, en dehors de l'acte de conscience qui en prend conscience.
Il n'y a donc que lumière, illumination, manifestation.
Et pourtant, nous observons 'autre chose'. Des choses, faites de différences.
Comment peut-il y avoir de l'ombre, des ombres, si tout est lumière ?
Parce que cette Lumière est libre. Libre de resplendir comme 'ombre', aussi. Elle n'est pas comme la lumière matérielle. Elle n'est pas comme une chose, condamnée à être ce qu'elle est, et c'est tout. Elle, elle peut tout être. Tout et son contraire. Rien ne peut la définir. Elle joue à se définir, mais ça n'est qu'un jeu. Elle reste indéfinissable. Incompréhensible. Ni ceci, ni cela, ni néant, ni autre chose. Liberté.
Ainsi, il n'y a que lumière. Et ce que je distingue de plus que la lumière, n'est que liberté.
Ainsi, tout est conscience. Et ce dont je prend conscience 'en plus' de l'acte de conscience, n'est que la liberté de la conscience de se manifester comme 'autre', alors qu'elle n'est rien d'autre.
Le Tantrâloka traduit en anglais par Mark Dyczkowski :
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