Ne se souvient-on pas du fameux acronyme TINA « there is no alternative » que beaucoup d’investisseurs mentionnaient pour justifier des investissements dans des actifs plus risqués que ceux qu’ils s’autorisaient auparavant ? A l’époque, la priorité était d’obtenir un soupçon de rendement dans un univers où la trésorerie était pénalisée entre -0.5% et -0.8% en Europe, où l’essentiel des obligations d’Etat européennes offrait 0% de rendement, où les obligations high yield offraient 2% à 3% de rendement maximum pour un rating B.
L’alternative est aujourd’hui claire puisqu’avec la hausse du taux de référence de la BCE à 3.5%, le marché obligataire devrait offrir désormais des rendements autour de 4% pour les titres monétaires, de 4 à 5% sur les obligations d’Etat et de 5% à 10% sur les obligations high yield. Devrait offrir ? Oui car ce n’est pas encore tout à fait le cas et cela pourrait expliquer bien des choses sur la lenteur d’ajustement des marchés de toutes classes d’actifs…
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- Le marché monétaire, classe d’actifs la plus sécurisée, n’a pas encore suivi les niveaux de taux de la BCE. Qu’il s’agisse des produits bancaires, des fonds monétaires ou des niveaux de taux offerts par les obligations de moins d’un an, on a bien du mal à atteindre le taux à quinze jours de la BCE de 3.5%... Plusieurs raisons à cela :
- Les entreprises n’ont pas besoin de financement à court terme en raison de leur prudence sur la trésorerie depuis plusieurs mois, les taux ne peuvent donc pas s’ajuster par l’offre sur le marché primaire
- Les banques européennes bénéficient, pour la plupart, d’une base de dépôt stable et peu rémunérée qui leur permet de ne pas se financer sur le marché monétaire comme elles avaient l’habitude de le faire avant la faste période de la décennie 2010
- Des investisseurs qui ne plaçaient plus leur trésorerie sur les marchés monétaires depuis plusieurs années y reviennent aujourd’hui, comme en témoigne par exemple l’encours des fonds monétaires depuis quelques mois, ce qui crée une force de renchérissement des prix
- La prudence liée à l’environnement économique incertain crée une baisse de la consommation en Europe et un surplus d’épargne, propre à être placé sur les marchés.
- Le marché des taux longs, qui plafonne encore bien en deçà du taux de référence de la BCE, hormis pour l’Italie, est essentiellement drivé par les investisseurs institutionnels. Ces derniers avaient depuis plusieurs années réduit drastiquement la part des obligations souveraines, la liquidité, la qualité et la duration de leur portefeuille, créant des décalages actif/passif parfois significatifs et une prise de risque sur les ratios de solvabilité. Après une année 2022 d’observation, bon nombre de ces investisseurs ont réinvesti significativement le marché obligataire ces derniers mois, tirant les rendements longs des obligations de bonne qualité, souverains en tête, à la baisse… Et laissant peut-être croire, pour partie à tort, à un consensus de marché à la baisse des taux et à la récession… Alors qu’il pourrait ne s’agir que d’un effet court terme lié à des besoins réglementaires d’investissement. Ces institutionnels ont plusieurs années de disette de taux à rattraper, des réserves significatives et des horizons de placement à plusieurs années voire à plusieurs décennies… Ce mouvement pourrait donc juste commencer et leurs achats obligataires seront progressifs et pas forcément immédiatement par des réemplois de cessions d’autres actifs, comme les actions ou l’immobilier, ce qui pourrait aussi, temporairement, créer des retards sur les valorisations de certains actifs.
- Les actions et l’immobilier, parlons-en justement… On observait avec étonnement le CAC 40 atteindre un nouveau record cette semaine alors même que l’environnement économique est morose, que les taux d’actualisation ont bondi et que les perspectives de chiffre d’affaires et de résultat sont plutôt stables ou en baisse pour les années à venir… Nous rappellerons aussi que beaucoup d’entreprises européennes ou américaines offrent moins de dividende que de rendement sur leurs obligations alors même que ces dernières sont moins risquées. Trois raisons peuvent expliquer cela :
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- Les trois facteurs exposés ci-dessus
- La déconnexion entre les entreprises leaders européennes, très internationalisées, et l’économie européenne
- Le rattrapage de certains secteurs, comme les banques dont les investisseurs pensent qu’elles profiteront des taux plus élevés pour reconstituer leurs marges et qui sont très pondérées dans les indices européens
- La force d’inertie, en particulier sur les actifs les moins liquides comme l’immobilier
- Enfin, n’oublions pas que les marchés ont un biais d’optimisme exacerbé et restent convaincus qu’ils pourront profiter du meilleur de tous les mondes entre inflation maîtrisée, récession douce mais maintien de dividendes élevés, retour des banques centrales à des politiques accommodantes, absence de volatilité…
- Investir sur les maturités 1 à 5 ans offrant autant voire plus que les maturités 10-15 ans.
- Investir sur les actifs liquides offrant plus de rendement que bon nombre d’actifs illiquides,
- Sécuriser des coupons seniors de 5% à 8% de rendement plutôt que des dividendes plus incertains à 3% de rendement sur le Stoxx 600.