( je cite mal Virgile) t’accompagne
depuis, cette nuit, aujourd’hui perdue
dans le temps, cette soirée où tes yeux
vagues l’ont déchiffrée pour toujours dans
un jardin, un patio qui sont poussière.
Pour toujours ? Je sais qu’une fois quelqu’un
pourra te dire en toute vérité :
Tu ne verras plus la lune claire.
Tu viens d’épuiser la somme des chances
que t’accorde le destin. Inutile
d’ouvrir toutes les fenêtres du monde.
Il est tard. Tu ne la trouveras plus.
Nous vivons découvrant et oubliant
cette douce coutume de la nuit.
Regarde. C’est peut-être la dernière.
*
La cifra
La amistad silenciosa de la luna
(cito mal a Virgilio) te acompaña
desde aquella perdida hoy en el tiempo
noche o atardecer en que tus vagos
ojos la descifraron para siempre
en un jardín o un patio que son polvo.
¿Para siempre? Yo sé que alguien, un día,
podrá decirte verdaderamenta:
“No volverás a ver la clara luna,
Has agotado ya la inalterable
suma de veces que te da el destino.
Inútil abrir todas las ventanas
del mundo. Es tarde. No darás con ella.”
Vivimos descubriendo y olvidando
esa dulce costumbre de la noche.
Hay que mirarla bien. Puede ser última.
***
Jorge Luis Borges (1899-1986) – La cifra (1981) – Traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet.