Il y a deux ans, Ervan et Loïc, cousins au deuxième degré, formaient un duo de musique. Pour le nom,, ils pensent à la contraction de leur nom de famille, respectivement Orhan et Lamezec. Problème : après une rapide recherche sur internet, il s'aperçoivent qu'Orla signifie " circoncision " en hébreu, alors ils ajoutent un H et deviennent Horla.
Horla c'est la musique d'Ervan, guitariste, associée aux paroles de Loïc. Le premier, fan de musique anglo-saxonne, vient de Paris et étudiait dans une école de son avant la naissance de leur collaboration. Plus tard, il fera de la musique, c'est sûr. Mais sous quelle forme ? Musique de film ? Documentaire ? Le second a grandi en banlieue parisienne et a passé un bac horticulture avant de s'orienter vers l'animation et le théâtre d'impro.
Une dizaine de jours avant la sortie de leur premier EP Réveille-toi, j'ai rendez-vous avec Ervan et Loïc dans les locaux de leur équipe à Paris, à la limite entre le 17ème arrondissement et Saint-Ouen. Ils débarquent en Vélib' et nous nous installons sur un canapé à côté d'une table de ping pong. Ils me racontent la naissance d'Horla, l'écriture des chansons et leur tournée en première partie des Zénith de Jacques et Thomas Dutronc !
Loïc : Bien qu'on soit cousin, on ne s'était pas vu depuis une dizaine d'années. Petits, on était pas très copain, Ervan étant quand même plus jeune que moi ! Un été, alors qu'on s'est revu, Ervan jouait de la guitare. À ce moment, j'écrivais des textes et il m'a proposé qu'on se retrouve à la rentrée pour essayer de fabriquer un morceau ensemble. On en a fait un. Puis deux, puis cinq... Ensuite, on a été présenté au manager de Shaka Ponk qui a cru en nous, a commencé à produire nos titres et nous menés jusqu'à une maison de disques.
Ervan : À ce moment-là, j'étais inscrit dans une école de son et Loïc faisait du théâtre d'impro. Je crois qu'on était pas sûr de nous : qu'est ce qu'on allait faire après ? Là, autour de nous, les gens aimaient ce qu'on faisait, ça nous a motivé...
Loïc : Tous les âges confondus d'ailleurs ! C'est pour ça que j'essaye de ne pas trop écrire sur la société actuelle. Certains textes n'y échappent pas, mais j'évite les références à l'actualité. C'est une règle d'improvisation théâtrale ! Tu n'as pas le droit de faire des blagues qui existent déjà tout comme tu n'as pas le droit de citer Addidas.
Comment le théâtre d'impro t'aide à écrire tes textes ?Loïc : Par exemple, si tu écris une chanson triste, il faut toujours rester digne. Au théâtre, si on écrit la pièce de théâtre la plus triste au monde, le personnage reste digne même face à des choix cornéliens. Dans une chanson, c'est pareil. On ne se plaint pas, on reste fort. Je fais également attention aux rimes et à ne pas être trop actuel : ça ne sert à rien d'utiliser des mots que tout le monde aura oublié dans deux ans !
Ervan : C'est pour ça que notre musique plaît à toutes les générations.
Loïc : J'ajoute que l'animation m'a aidé à être bon en rythme parce qu'on danse et on écoute beaucoup de musique. Et mine de rien, on apprend la rythmique !
" Les réseaux sociaux permettent à des gars de la campagneD'ailleurs votre musique n'a pas d'étiquette : pop, rap,... Vous mélangez plusieurs genres. d'avoir la même chance que les autres "
Loïc : Exact. Certains aimeront quelques chansons et pas les autres car ce n'est pas toujours le même style. Je pense que c'est ce qui permet de susciter la curiosité : chacun se demandera si cette fois ça va lui plaire ou non.
Ervan : Et puis on a des références assez diverses. Loïc écoute plus facilement de tout, il n'a aucun préjugé par rapport à la musique : rock, pop, rap, s'il n'aime pas le morceau il ne fustigera pas le style. Tandis que moi, si.
Qu'avez-vous voulu raconter dans votre premier EP Réveille-toi ?Loïc : Je pense être capable de trouver au moins un bon morceau chez n'importe quel artiste. Grâce à la mélodie, la rythmique, le propos,... Je comprends pourquoi le morceau plaît.
Comment fabriquez-vous vos chansons ?Ervan : On a pas voulu raconter quelque chose de précis. Ce sont nos premières chansons écrites sur deux ans. On s'est découvert, les paroles peuvent raconter une chose et son contraire.
Ervan : Loïc m'envoie des textes qu'il pose sur des beats, une mélodie à deux accords, je les reprends avec la guitare, j'essaye de les chanter différemment, avec des accords supplémentaires.
Pouvez-nous nous parler de la chanson " Le Roi " ? Loïc tu chantes " qu'importe mes succès, j'serai toujours défaillant (...) tiens-toi droit malgré le poids "Loïc : Parfois on mélange les morceaux : il arrive que le premier couplet et le refrain soient super, mais le reste un peu fade. Si je remarque que j'ai écrit une un autre texte contenant à peu près le même discours, je les assemble.
Ervan, tu te retrouves dans les textes de Loïc ?Loïc : C'est une chanson sur le déterminisme social. Si tu es né riche, tu as beaucoup de chance de le rester et inversement. On peut en prendre conscience et renverser le phénomène ou au contraire se laisser se faire écraser.
Ervan : Oui ! Un peu moins maintenant car on sort moins. À un moment on sortait beaucoup ensemble, on rencontrait des gens et le lendemain, Loïc m'envoyait un texte dans lequel je retrouvais une sensationque j'avais eue la veille.
Loïc : Cependant, on vit tous les mêmes émotions même si on ne les traduit pas de la même manière.
Comment arrive-t-on à se faire une place dans le milieu de la musique quand on débute au milieu d'autant de concurrence suscitée notamment par les réseaux sociaux ?Ervan : Par exemple, si une chanson parle d'un problème avec notre copine, on va l'écrire de sorte que celui qui écoute puisse s'identifier à la chanson. On ne donne pas de détail comme le prénom de la fille. Ainsi, ça peut devenir une problème entre une mère et son fils.
Ervan : C'est difficile ! On est de la génération des réseaux sociaux mais on a toujours un peu méprisé ça : les " storys " sur instagram, les gens qui montrent leur vie... On essaye plutôt de se défendre à travers le live.
Loïc : Sauf que les gens vont moins en concert depuis le covid ! Notamment parce que c'est cher, tout le monde ne peut pas se le permettre. Alors on doit faire des vidéos sur instagram, tiktok, faire le buzz...
Comment pensez-vous le live ?Ervan : On essaye parce qu'on a pas le choix ! Ceci dit, c'est compliqué de critiquer ce système parce qu'il permet à des gars de la campagne d'avoir la même chance que les autres.
Ervan : J'ai une vision beaucoup plus rock. On balance beaucoup de boucles, ce serait bien de remplacer ça par un batteur. Je ne tient pas à créer un show avec une prestation scénique incroyable avec plein de lumières. Par exemple, je préfère mille fois Nirvana ! Un concert de Nirvana, ça vaut toutes les images du monde : il y a tellement d'énergie, c'est tellement honnête. Sinon, on fait du cirque ou des spectacles, mais c'est autre chose. On ne prépare rien pour la scène, on se dit juste " bon courage ! "
En 2022, vous avez fait la première partie de Jacques et Thomas Dutronc pour leur tournée Dutronc & Dutronc, comment ça s'est ficelé ?
" Trop s'intéresser aux histoires de musiciens
peut empêcher d'écrire sienne "
Vous n'étiez pas du tout devant votre public ! Ervan : On connaît bien Thomas. Il a assisté à l'un de nos premiers concerts et a adoré. Il cherchait une première partie pour leur tournée des Zénith et voulait des jeunes !
Loïc : Il y avait quand même des jeunes ! Mais je pense que les plus âgés sont les plus difficiles à convaincre. Avec l'âge, on est moins surpris par les paroles, la musique,... Alors qu'ado, on est des éponges. Tous les artistes qu'on suit à ces âges-là, on les suivra toute notre vie !
Ervan : Mais c'était un public bienveillant !
Qu'avez-vous appris durant l'aventure avec les Dutronc ?Loïc : Oui. Ils avaient l'air de trouver ça cool et d'espérer que ça marchera pour nous. Ils étaient attentifs à ce qu'on faisait, on a même réussi à les faire lever !
Loïc : Musicalement, je n'ai plus la même oreille ! Thomas et les musiciens nous ont fait écouter plein de musiques qu'on ne connaissait pas.
Ervan : Beaucoup de jazz et de funk.
Loïc : Du Django ! Le musicien qui joue avec Thomas, Rocky Gresset, est manouche. Il considère Django Reinhardt comme un Dieu !
Ervan : Jeff Beck aussi. On le connaissait mal. Il est mort une semaine après qu'on l'a découvert.
Loïc : Thomas et sa bande sont des musiciens intransigeants. Ils ont beaucoup de maturité sur scène, ils n'ont pas peur de l'erreur car ils savent ce qu'ils font.
Jacques chante encore super bien ! Et puis s'il en met une à coté, il s'en fout ! Il a des graves, des aigus,... Il est trop fort ! Ça m'a un peu appris à gérer ma voix. Et au niveau rock, je pense que ça m'a vraiment fait aimer la guitare rythmique.
Ervan : Quant à moi, j'ai pris une claque concernant l'organisation ! On arrive dans la salle, c'est vide et en deux heures tout est monté.
Ervan : J'ai eu un déclic grâce au groupe de rock-métal américain A Perfect Circle. Je l'ai vu à l'Olympia quand j'avais 17 ans : une révélation !
Loïc : Moi pas tellement....
Ervan : Loïc n'est fan de personne : il peut écouter du Mozart tout comme il écoutera le rappeur Gazo... À l'inverse, dans ma vie, il y a tellement de musiciens qui m'ont touché, comme les Beatles.
Loïc : Ça me fait penser que je trouve qu'on s'intéresse trop aux histoires de musiciens. Ça peut empêcher d'écrire sienne ! Certains ont une telle culture musicale que quoiqu'ils fassent, ça leur fait penser à autre chose, ils se disent que ça a déjà été fait.Par exemple, j'ai écrit un morceau qui est encore sous forme de maquette. Il m'est venu tout seul, sans réfléchir, je le trouve bien. Mais en y repensant, ça ressemble à La maison près de la fontaine de Nino Ferrer ou Le petit jardin de Dutronc... C'est le même thème : le gros véhicule qui arrive qui détruit un endroit pour construire quelque chose. Ce n'est pas grave, mais il faut trouver une manière différente de le raconter.
Ervan : Tandis que certains vont s'interdire des paroles ou des compostions car ce sont les quatre accords de Let it Be ! Mais les quatre accords de Let it Be, ce sont les quatre accords de vingt-cinq autres chansons !
Loïc : Je vais garder ma chanson parce que je la trouve originale et je pense qu'elle peut toucher une autre génération que celle qui écoute Ferrer et Dutronc !