Rosalía est une artiste dont le succès aura été certes croissant mais néanmoins fulgurant. En trois albums déjà, depuis qu’on l’a connue en 2017, l’explosion aura été en Espagne d’abord grâce à son premier album, puis à l’internationale avec le second – le dernier ayant, lui, enfoncer le clou, vraisemblablement définitivement. Rosalía est là, et elle ne va pas disparaître comme ça, et si tel est le cas, le choix sera assurément le sien.
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Los Ángeles – oui, orthographié en espagnol, comme pour son prénom, accentué également – ne laissait absolument rien présagé de la suite de la pour l’instant courte mais conséquente carrière de Rosalía. C’est un disque de flamenco, porté doublement : par la voix incroyable de Rosalía bien sûr, mais aussi par la guitare de Raül Refree, lequel a également produit et arrangé les douze chansons. Ces dernières sont pour neuf d’entre elles des chansons populaires dont l’une d’elle reprend des paroles du célèbre poète espagnol Antonio Machado.
Le final, quant à lui, peut carrément surprendre mais donne finalement déjà un aperçu de l’ouverture de la jeune artiste espagnole : « I see a darkness » de Bonnie ‘Prince’ Billy, artiste indépendant qui joue plutôt une sorte de country-folk musique. Pour autant, Los Ángeles est une œuvre intégralement espagnole, enregistrée à Barcelone – la capitale catalane lui servant autant d’écrin que de tremplin vers un avenir que l’on sait déjà radieux.
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Il m’aura fallu attendre de l’entendre en duo avec James Blake pour, enfin, me retourner sur ses deux disques. D’abord, le dernier, El Mal Querer.
Loin de faire l’unanimité malgré le bruit qu’elle fait à travers la planète grâce à sa vision mille fois décomplexée du flamenco – en effet, les puristes crie au scandale –, la Barcelonaise Rosalía Vila Tobella, ou simplement Rosalía, n’en finit plus de tout faire voler en éclat sur ce second album qui vient marteler haut et fort qu’elle fait ce qu’elle veut et, en même temps, qu’elle ne nous laisse de toute façon pas le choix sur le fait qu’elle est assurément devenue en un rien de temps LA référence dans le flamenco.
Un hommage grandiloquent qui assure à cette musique typiquement andalouse une universalité qui ne lui sera désormais plus possible de perdre. Écoutez seulement « Pienso en tu mirá » et vous serez convaincus.
Enfin, notez la participation de Justin Timberlake et Timothy Mosley (Timbaland) sur « Bagdad ».
¡¡¡Qué grande !!!
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Quelle évolution depuis Los Ángeles !!! D’abord, Rosalía a détonné dans l’univers du flamenco avec son tout premier album, publié en 2017. Comme souvent, pour ne pas dire comme toujours, le flamenco s’est vu complètement retourné par cette jeune Barcelonaise (oui oui, puisqu’elle est née dans la province de Barcelone, dans la banlieue de la célébrissime cité comtale). Je me souviens, à ma découverte du groupe barcelonais Ojos De Brujo du bruit autour d’eux tant le nuevo flamenco était mal vu et donc décrié par les puristes.
Puis, avec son second album El Mal Querer, en 2019, la jeune artiste espagnole enfonçait le clou définitivement sur la sacro-sainte cruz de la religion flamenco. Visuellement, tout était annoncé fièrement. Musicalement, cependant, rien ne laissait présager du succès monumental et, surtout, mondial – l’Amérique en particulier lui ouvrant grands les bras – qui allait lui tomber dessus.
Motomami a donc la lourde tâche de venir nous démontrer si, oui ou non, elle est une artiste accomplie. Le résultat est juste flamboyant. Une nouvelle fois, dès le visuel de son troisième album, Rosalía affirme à quel point elle est littéralement hors-norme.
Hormis The Weeknd et Tokischa, respectivement sur les chansons « La fama » et « La combi Versace », aucun autre artiste n’est directement nommé dans le livret, et pourtant la liste a de quoi faire rêver et inclut, pour ne citer qu’eux, Q-Tip, Pharrell Williams et James Blake. De plus, sur « Candy », elle se paie le luxe de sampler l’Anglais Burial avec « Archangel » issu de son album culte de 2007 Untrue.
Loin d’oublier ses origines, le flamenco demeure musicalement présent sur ce disque davantage latino qu’espagnol, avec le parfaitement intitulé « Bulerías », et évidemment dans sa façon de chanter. Notons également que le catalan est lui aussi utilisé, à la fin de « G3 N15 », lors d’un message des plus touchants.
Motomami est à écouter sur vos enceintes ou, plus que n’importe quel album jamais sorti, au « casque » et rien d’autre – à bon entendeur !
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Que pouvons-nous attendre de Rosalía en 2023 ? Eh bien probablement tout. Évidemment, elle restera sans nulle doute dans un univers hispanisant, dans un style désormais plutôt urbain, et néanmoins toujours inspiré par le flamenco qui l’a nourri, dès l’enfance, et dont chacun des ses albums, même si de moins en moins, fait écho, un écho du cœur, un écho du sang. Plus que quiconque, Rosalía semble être une artiste lunaire – voyons où elle nous mènera !
(in Heepro Music, le 17/04/2023)
éé