Quelles que soient les ambitions à long terme, la nouveauté du jour reste plutôt modeste, d'autant plus qu'elle s'appuie sur une extension introduite en décembre dernier, qui met en avant un graphique de cours des principales actions et de quelques indices (américains uniquement) lors d'une recherche de « #cashtag » – ces dérivés de mots-dièses, composés du signe du dollar suivi d'un symbole boursier, que les amateurs de trading ont imaginé de longue date dans le but de partager des informations sur les valeurs.
Depuis ce jeudi et l'entrée en vigueur du partenariat, la liste des titres accessibles est considérablement étendue (mais toujours centrée sur les États-Unis, apparemment, bien que des cryptomonnaies soient aussi incluses) et l'aperçu comprend désormais un lien vers le site d'eToro, où, d'une part, l'utilisateur a immédiatement accès à toutes les informations disponibles sur l'instrument sélectionné et, d'autre part, il pourra exécuter une transaction d'achat ou vente sur ce dernier en quelques gestes supplémentaires.
L'initiative vise évidemment à capitaliser sur l'indéniable engouement des investisseurs de tout poil pour les « #cashtags », en progression constante. En parallèle du demi-milliard de tweets traitant de sujets économiques et financiers sur le premier trimestre de cette année, émanant en majorité de jeunes entre 18 et 34 ans, environ 420 millions de recherches ont porté sur ces « mots-dollars » (?) dans la même période, soit 4,7 millions par jour en moyenne, avec des pointes à 8 millions lors d'annonces importantes.
Pour autant, il me paraît très excessif de percevoir à travers cette addition une avancée majeure dans une hypothétique pénétration du secteur financier par Twitter. Non seulement le domaine choisi est-il réservé à une petite fraction de consommateurs (même outre-Atlantique), sans aucune perspective crédible de démocratisation massive, mais, de surcroît, la mise en œuvre opérationnelle, reposant sur un renvoi de l'internaute vers l'espace d'eToro, limite sérieusement sa pertinence et son intérêt réels.
Quant aux rêves de super app prêtés à Elon Musk, ils sont encore plus lointains, en dépit d'une démarche plus rationnelle que la plupart de celles observées par le passé, puisque nous avons bien affaire ici à une greffe de service (financier) sur un usage (spontané) préexistant (d'échanges sur la thématique boursière). Malheureusement, dans cette logique, l'expérience proposée n'a absolument rien de commun avec le niveau d'intégration qui a fait le succès tant envié en occident des chinois WeChat et Alipay.
Au bout de l'analyse, il reste avant tout une opération vraisemblablement lucrative pour eToro (et, comble de l'ironie, pour sa propre plate-forme sociale spécialisée) ainsi qu'une probable source de revenus (désespérément nécessaire) pour Twitter. En revanche, de mon point de vue, elle n'offre pas la moindre esquisse d'une transition révolutionnaire future pour le réseau social, surtout dans le contexte de sa perte d'audience et de confiance, qui nuit directement à sa capacité potentielle à imposer des fonctions financières embarquées, donc placées, au moins en partie, sous son contrôle.