Sir Edward et Mother's Cake à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc, le 14 avril 2023
michel
Le 14 avril, en France, c'était l'attendue validation de l'essentiel de la réforme des retraites par le Conseil constitutionnel, traduction le cirque continue, mais à Saint-Brieuc, où la CGT avait bloqué certains sites stratégiques en journée, Bonjour Minuit a entériné le concert de Sir Edward et Mother's Cake.
Le Club était bien meublé à 21 h, lorsque Sir Edward a foulé le podium.
Belle embrouille que ce Sir Edward, ce n'est ni un whisky, ni un hongre s'étant distingué à Deauville, ni un aristocrate écossais s'adonnant à la peinture à ses heures perdues, ni un saxophoniste ayant accompagné Jimmy McGriff, non, rien de tout ça, il s'agit d'un combo rennais qui, pour d'obscures raisons, a perdu le s final de son nom pour devenir Edward sans la 19è lettre de l'alphabet.
Mais encore?
Ils étaient cinq, tous fringués tendance pastel, rose bonbon, jaune délavé, bleu placide , collection printemps breton: deux filles, trois garçons!
Ils n'ont pas été présentés, ils n'avaient pas de setlist, leur facebook ne signale aucune identité, discographie: nada, mais sur Bandcamp on a déniché deux EP's, sortis du temps où ils se faisaient appeler Sir Edwards.
Le leader semble être Charles Jacq ( guitare, chant, cowbell, shakers), un petit moustachu à la voix haut perchée, qui avait débuté sans moustache chez Strays et qui fait partie de Sir Greggo ( ex Abram) , un autre combo rennais pratiquant un krautrock psychédélique, tendance Jethro Tull, de par la présence d'une flûte jamais bourrée.
A la batterie on a peut-être vu Edouard Vavasseur, lui aussi membre de Sir Greggo.
L'identité du second guitariste, très performant, reste à découvrir, Maigret mène l'enquête, il lui faut aussi déterminer l'état civil de la bassiste/ chanteuse blonde qui sévissait face à toi, la seconde demoiselle, au synthé, shakers et voix, étant probablement la graphiste Manoun Couët.
Mise en route hésitante avant une intro choucroute à la guitare, les autres sautent dans le wagon, Manon ( on l'appellera ainsi) débite un laïus en français, ...pourquoi tu ne parles pas, pourquoi tu saignes...Charles à son tour saisit le micro et susurre un chant énigmatique... t'as roulé une cigarette magique..
C'est particulièrement bien foutu, addictif et entraînant.
La basse gronde et entame une seconde plage, les guitares répondent, le batteur taquine ce qui l'entoure sans délicatesse, le synthé grogne, Charles, de sa voix de fausset, ébauche un chant azuré, puis place un coup de wah wah, avant de les entendre envoyer une séquence Cap Canaveral sidérante, et finir sur un plan tribal pas bancal.
Pas question de s'ennuyer avec Sir Edward.
Après cette longue plage très colorée, le groupe nous propose un chant choral psychédélique nous rappelant au bon souvenir du groupe californien Bodies of Water.
On peut aussi penser à Arcade Fire ou Broken Social Scene,
La suivante ( ' Robotic Tower' ?) , toujours aussi exubérante doit approcher des sept minutes, elle nous promène dans des territoires allant du kraut, aux envolées acides, sur fond de basse omniprésente et de petits gimmicks astucieux, l'état de transe est proche, ces gens sont des sorciers qui s'attaquent à ton cerveau sans avoir l'air d'y toucher.
Bonjour Minuit l'a bien compris et après avoir plané en apesanteur, applaudit le quintet à tout rompre.
La pénultième nous en fait voir de toutes les couleurs: un mouvement cosmique, un rondo effréné, des envolées rock, une mélodie enivrante ... la totale!
Ce set brillant est achevé par l'effervescent 'Flowers', démarrant sur un tempo martial avant de virevolter pendant un long laps de temps et nous laisser sans voix, il nous a fallu un bon moment avant de comprendre que le trip avait pris fin et qu'il fallait applaudir les alchimistes.
Sachertorte is a Viennese chocolate cake with apricot filling invented by Austrian Franz Sacher in 1832 for Prince Wenzel von Metternich.
Tu fais dans le culinaire?
Pas vraiment, on introduit, Mother's Cake, eine österreichische Progressive-Rock-Band ( aus Innsbruck ).
Un trio qui a vu le jour en 2008, s'est tapé plus de 600 concerts dans tous les coins de la planète et a gravé six full-length albums, le dernier en date 'Cyberfunk' ( 2020) sans compter une Studio Live Session tirée à 500 exemplaires en 2021.
En ce frileux mois d'avril, la tournée des entichés de pâtisseries passe par la France, quatre dates dont un concert à Bonjour Minuit.
Le 18, ils iront admirer Big Ben.
Un signal vers l'éclairagiste, Yves Krismer ( vocals, guitar), Jan Haußels ( drums) et Arthur, a tall substitute bassist, car Benedikt Trenkwalder ist krank, se pointent.
Et ça va chauffer pendant un bon moment, ils ont tous les trois pris leurs précautions, un litre de bière ( pour chacun) repose à leurs pieds, sont sobres en Autriche!
Yves part en fuzz, Jan le suit, quand soudain Arthur, le remplaçant, se barre pour revenir avec une setlist.
'The Beetle' est sur les rails, putain ça balance du gros son, style hard power trio comme dans les glorieuses seventies, imagine des gens tels que Rush, James Gang, Mountain, Beck, Bogert & Appice, sans oublier la crème: Cream.
Si tu veux rester dans le champ germanique, on te propose les Suisses de Krokus.
Yves a de la gueule, ses soli bourrés de changements de tempo impressionnent, à l'arrière Jan abat un boulot de titan, quant au remplaçant, il fait plus que de la figuration, sa basse groove à un degré élevé.
'Crystals in the sky' affiche un côté psychédélique intéressant en ne perdant pas une once d'énergie.
Le leader s'essaie au français et confond Macron et macaron pour introduire 'I'm your President', du hard dévastateur, présentant, déjà, quelques effluves RATM.
'The Sun' luit avec éclat, ça cogne chaud avant un mouvement aérien qui évoque George Harrison , pas de quoi lâcher définitivement la bride, très vite le trio repart au combat.
'Enemy' est introduit par une touche électro, ce titre atmosphérique sera le plus calme du set, ils en sont conscients, this was a pop song, confesse le chanteur.
On te pardonne, gars, c'était un chouette morceau.
Il en va tout autrement avec le très long ' Realitricked Me', du crossover ( funk, metal, groove), bourré de breaks, de zébrures et de vocaux hargneux.
'Love Your Smell' sonne comme ' All the Young Dudes' et montre une autre facette du trio qui ne renie pas la classic rock ballad.
Avec 'The Operator' à entendre sur ' on revient vers le rap metal, la marque de fabrique de Zack de la Rocha et de ses copains.
Ces comédiens ont prévu un coup de théâtre, ils abandonnent basse et guitare sur les retours, merci pour les larsens, Jan dépose ses baguettes sur une caisse, pas d'interférences, ouf, et ils se tirent sans un mot.
Comme ils n'ont pas emporté leurs godets encore pleins de houblon, tu soupçonnes un retour imminent, le petit jeu aura pris trois minutes, en souriant de leur farce, ils viennent achever la tirade, puis enchaînent sur ' Hit on your girl', un disco funk/ metal, décoré d'une séquence dada... I like ice scream, you scream , etc....
Slapping bass, drumming endiablé et soli dégoulinants, le hard marié au disco, c'est pas nouveau, souviens-toi de ' I Was Made For Lovin' You' de Kiss.
Retour aux choses sérieuses, ' Lonely Rider' et sa guitare aux effets baroques, invite à la danse, put on your dancing shoes, girls, et bougez, car c'était la dernière salve.
Ils refont le coup des guitares hurlantes et s'esquivent pour revenir assurer les bis.
'Soul Prison' sa voix trafiquée et ces bulles wah wah précède un 'Toxic Brother' chaotique et vénéneux.
Un concert spectaculaire qui n'a pas éludé les clichés inhérents au genre, finalement, la bonne surprise aura été Sir Edward