qui m’opprime me tourmente et m’étrangle
Arrache-moi doucement à la griffe de la douleur
Q’un moment je sois tout entier un homme
Conduis-moi au pays qui n’existe
que lorsque tes doigts brûlent
Et que tes cheveux répandent dans la chambre
Une odeur de terre d’aube et de terre mouillée
Ne parle pas l’Amour est un long silence
Habité par un verbe tout-puissant
qui sourd des feuilles et des eaux
Et des deux corps qui se fondent ensemble
Arrache-moi doucement aux masques de la mort
Aux gargouilles de l’ennui qui ricanent dans le sommeil
Achève en moi enfin la créature qu’un dieu pâle a modelée
D’un peu de salive d’argile et d’imagination
Par le jeu savant des caresses et des baisers
Jette-moi en pâture aux lions du vertige
que plus rien ne demeure de l’ancienne fable
où j’errais comme un fantôme de fumée et de brume
oublie la terrible royauté des objets quotidiens
les chaînes de la morale nous serons libres
Voguant comme deux navires de haut bord
qui s’abîment avec lenteur sur les rivages du Soleil
***
André Laude (1936-1995) – Entre le vide et l’illumination (1960)