Ces chercheurs de l’Université de Washington s’attaquent à un obstacle majeur à la réparation cardiaque par cellules souches : éviter que les cellules souches modifiées ne provoquent de rythmes cardiaques dangereux, un problème qui jusque-là, a contrecarré le développement des greffes de cellules souches pour les cœurs blessés. L’équipe de Seattle documente dans la revue Cell Stem Cell des cellules souches conçues pour ne pas générer ces arythmies dangereuses.
L’infarctus étant un type de crise cardiaque qui survient lorsque le flux sanguin vers le muscle cardiaque est bloqué, entraînant ainsi la mort des cellules cardiaques. Les cellules cardiaques ne se régénèrent pas, de sorte que le muscle affecté est remplacé par du tissu cicatriciel. Cela affaiblit le cœur et altère sa capacité à pomper le sang. Des lésions sévères peuvent entraîner une insuffisance cardiaque et le décès.
La même équipe avait d’ailleurs précédemment utilisé des cellules musculaires cardiaques créées à partir de cellules souches pour réparer les dommages au muscle cardiaque causés par l’infarctus du myocarde. De 2012 à 2018, l’équipe avait ainsi injecté avec succès des cellules souches pluripotentes dans les parois cardiaques endommagées afin de créer un nouveau muscle pour remplacer celui perdu lors d’un infarctus. Avec des études animales, l’équipe avait montré que les cellules greffées s’intégraient bien au muscle cardiaque, battaient en synchronisation avec les autres cellules cardiaques et amélioraient la contractilité du cœur. Ces résultats avaient apporté une première preuve de concept de l’efficacité possible de la thérapie par cellules souches pour réparer et sauver les cœurs endommagés.
Cependant, ces expériences avaient aussi abouti à une complication majeure. Au cours des premières semaines de greffe, les cœurs avaient tendance à battre à un rythme dangereusement élevé.
Créer des cellules cardiaques thérapeutiques « secures »
L’auteur principal, le Dr Silvia Marchiano, chercheur à l’UW Medicine Institute for Stem Cell and Regenerative Medicine résume ces travaux : « Notre objectif est de créer des cellules contractiles fonctionnelles qui n’essaieront pas de suivre leur propre rythme. Et nous avons trouvé ce que nous devons faire pour rendre ces cellules sûres ».
Pour créer leurs cellules cardiaques thérapeutiques, les chercheurs utilisent des cellules souches pluripotentes-des cellules qui peuvent devenir n’importe quel type de cellule dans le corps. Dans le cœur mature, le rythme cardiaque est régulé par des cellules spécialisées appelées cellules du stimulateur cardiaque (ou cellules ou cellules du nœud sinusal). Ces cellules génèrent des signaux électriques à intervalles réguliers qui induisent la contraction des autres cellules cardiaques. Dans les cellules du stimulateur cardiaque, la tension effectue des allers-retours de négatif (hyperpolarisé) à positif (dépolarisé). « C’est un peu comme un métronome avec des ions positifs entrant et sortant de la cellule à travers ces canaux ».
La vitesse à laquelle ce cycle de repolarisation et de dépolarisation se produit détermine la fréquence cardiaque.
Dans les cœurs embryonnaires précoces, cependant, ce système, dans lequel relativement peu de cellules sont devenues des cellules de stimulateur cardiaque spécialisées tandis que les autres sont devenues des cellules contractiles quiescentes, n’est pas développé. Toutes les cellules sont des stimulateurs cardiaques. Ainsi, les scientifiques ont fait l’hypothèse que les cellules souches greffées se comporteraient comme des cellules embryonnaires précoces générant de manière chaotique des signaux et provoquant des rythmes cardiaques dangereux.
Pour déterminer les causes de ce comportement erratique, les chercheurs ont utilisé une technique appelée séquençage d’ARN pour découvrir quels canaux ioniques étaient fabriqués aux différents stades de maturation des cellules. Le séquençage a révélé que certains types de canaux ioniques apparaissent tôt dans le développement puis disparaissent à mesure que la cellule mûrit tandis que d’autres types de canaux ioniques apparaissent plus tard dans le développement. Afin d’identifier les canaux ioniques coupables et déclenchant l’arythmie, les scientifiques ont utilisé l’édition du génome basée sur CRISPR pour éliminer systématiquement les gènes dépolarisants ou pour activer les gènes repolarisants. Cet exercice décrit comme hypercomplexe n’a pas permis d’identifier les gènes responsables de rythmes cardiaques rapides. L’analyse encore plus complexes de combinaisons génétiques n’a pas non plus, apporté de résultats probants.
Des cellules nommées MEDUSA : alors les scientifiques ont créé une lignée de cellules souches dans laquelle trois gènes dépolarisants ont été éliminés et un gène repolarisant a été activé. Les cellules musculaires cardiaques générées à partir de ces cellules souches étaient électriquement au repos, comme le muscle cardiaque adulte, mais elles se contractaient lorsqu’elles recevaient un signal électrique pour imiter un stimulateur cardiaque naturel. Les chercheurs ont nommé ces cellules « MEDUSA », pour
modifying electrophysiological DNA to understand and suppress arrhythmias.
Les cardiomyocytes MEDUSA se greffent dans le cœur, mûrissent en cellules adultes, s’intègrent électriquement dans le muscle cardiaque et battent en synchronisation avec la stimulation naturelle, le tout sans générer de rythme cardiaque dangereux.
Cette condition sine qua non pour la régénération du cœur à partir de cellules souches est donc bien remplie. Si des tests supplémentaires devront être effectués avec ces cellules modifiées, un grand obstacle à la régénération du cœur humain à partir de cellules souches, vient d’être surmonté.
Source: Cell Stem Cell 6 April, 2023 DOI: 10.1016/j.stem.2023.03.010 Gene editing to prevent ventricular arrhythmias associated with cardiomyocyte cell therapy
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