Génération Netflix. C’est un terme rentré depuis un moment déjà dans le langage courant pour désigner une profonde mutation de notre accès à l’information au sens large, dépassant l’innocent « binge watching » (ou visionnage boulimique) encouragé par les plateformes de streaming lors de leur lancement.
C’est un fait. Ce qui nous exaspérait tant il y à peine quelques années dans le comportement de notre progéniture a fini par nous contaminer nous aussi. « Une américanisation de notre société » comme le résume très bien cet article du Monde moderne, à contre-courant de l’exercice d’un « esprit critique » au sens initial que lui donnait Voltaire. On pourrait même parler d’une vraie culture de la bêtise, dont l’impact dépasse désormais largement le cadre familial.A l’heure où l’on enchaine les épisodes de séries comme du pop-corn, l’accès illimité à presque tout sans bouger de son salon a fini par avoir raison de ce que nos voisins enviaient tant aux Français : leur liberté de pensée (coucou Florent Pagny !). Autrement dit, la capacité de remettre son raisonnement en question et construire sa propre opinion au lieu de gober bêtement celle que l’on nous sert en l’état. Quitte à se planter de temps en temps.
Suivre, suivre… sans prendre le temps de réfléchir
Aujourd’hui, les jeunes délaissent les chaînes d’information au profit de plateformes de divertissement en ligne comme TikTok , Facebook ou autres outils devenus de puissants relais de communication. Parfois même d’intox, puisque le nombre d’abonnés suffit à lui seul pour peser sur la balance et s’improviser gourou de l’actu’. A croire que l’on va finir par y trouver un digne remplaçant à PPDA ou Chazal.
Certains comptes sont évidemment très drôles et ne manquent pas pour le coup de sens critique. Ce serait dommage de s’en passer. Mais de là à concurrencer Julien Assange il n’y a qu’un pas, surtout quand un individu lambda balance du bullshit devenu viral et remet sérieusement en question la santé mentale de certains. Sans oublier l’intelligence artificielle qui imite quasiment à la perfection des images réelles pour leur donner le sens qu’elle veut. Le pire étant que ça marche puisque nous sommes nombreux à tomber dans le panneau. Rien de surprenant au sein d’une société qui a mis en veille son esprit critique, même temporairement.
Post-Covid, les gens ne consomment plus comme avant pour le meilleur et pour le pire. Car il suffit d’avoir visionné un certain nombre de séries en streaming pour avoir l’impression de regarder toujours la même chose. Ce qui s’appelle plus communément du gavage. Le cerveau en mode off, l’individu marine dans son propre jus grâce au système de recommandations notamment.
Et c’est bien là que réside la force de ces plateformes, en passe de devenir les meilleures ambassadrices d’une uniformisation de la culture mondiale sous couvert de « diversité », que ce soit dans leur offre de programmes que de séries en ligne. N’oublions pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Un air de déjà-vu
Culture LGBT, féminisme, lutte des classes, masculinité bienveillante et souci d’inclusion : autant de thématiques a priori positives, qui à force d’être surexploitées produisent l’effet inverse. Pire encore lorsqu’elles finissent par s’immiscer dans les séries qui n’ont à l’origine aucun rapport avec la question, quitte à refaire l’histoire. Résultat : la création d’une vision erronée de notre société placée sous l’angle de la culture anglo-saxonne, déjà bien assez présente au travers des chaines de restauration fast-food comme des services de livraison pour ne citer qu’eux. Ce qui, à force, finit par créer une forme de lassitude chez les plus extravertis (encore heureux !), mais représente néanmoins une vraie menace pour la richesse de la tradition française. Et ce dans toutes les composantes de son essence même.
Soyons honnêtes. Bien sûr que ça fait plaisir de lâcher la pression de temps en temps pour ne rien faire, mais n’y allons pas par quatre chemins. Autant poser la question tout de suite: face à cette américanisation toujours croissante, voulons-nous vraiment devenir ces gros bisounours qui trouvent n’importe quel gif de chat « soooo cute » en se contentant de remplir leur vie de « prêt-à-gober » ? Ou finirons-nous par nous sortir les doigts pour élever notre esprit un tant soit peu autrement ? Franchement…
Car plus qu’un simple passe-temps, les plateformes de streaming sont devenues dans certaines familles un vrai sujets de conversation servant à combler les vides à table lorsque personne n’a plus rien à dire. Et à titre personnel je trouve ça particulièrement triste, si ce n’est grave.
« Et toi, tu regardes quoi comme série en ce moment ? »: A consommer sans modération PublicitéRéglages de confidentialité