Lorsque nous sommes prêts à accorder notre propre pardon, nous ouvrons la porte vers une paix intérieure durable. - Louise Hay
En souvenir et en hommage à un homme souffrant
Le 6 avril 1933 naissait Jean-Daniel, le premier-né d'un couple de médecin & infirmière de Suisse, Georges et Anna. Lui Romand, elle suisse-allemande, ils s'étaient rencontrés à l'hôpital où il travaillait.
Jean-Daniel a grandi et est devenu pharmacien. Il était de petite stature et se s'est toujours senti petit intérieurement. Il a développé des attitudes très machos envers les femmes, comme son père qui a battu sa mère quand il était jeune. Jean-Daniel se croyait supérieur aux autres tout entourloupant tout le monde - sauf ceux avec qui il vivait, soit nous - par ses beaux sourires séducteurs et ses belles paroles manipulatrices afin d'obtenir ce qu'il voulait. A la fin de sa vie, il était plusieurs fois millionnaire.
A l'âge de 20 ans, en 1955, il est tombé amoureux de Monique, 18 ans, qui faisait partie de la bande de copains qui se fréquentaient dans une confrérie de la petite ville où ils habitaient. Elle l'a toujours repoussé, attirée par André qu'elle épousera en 1958. En 1962, ils eurent une petite fille, Dominique. C'est moi.
Malheureusement, ce mariage de deux êtres si différents n'a pas tenu longtemps. La séparation eu lieu en 1964. André resta à Genève et Monique retourna à Neuchâtel.
Le retour de l'amoureux transi
Jean-Daniel apprit que Monique était revenue en ville. Il en était toujours amoureux et dira, jusqu'à son lit de mort, qu'il en aura toujours été amoureux. En soi, c'est une merveilleuse histoire d'amour.
Là où cette histoire en devient une d'horreur, c'est quand Monique épousa Jean-Daniel, pensant qu'il ferait un bon père pour Dominique et les mettrait ainsi toutes les deux en sécurité financière.
Très vite après le mariage, en 1967, Jean-Daniel, non aimé comme il aurait voulu l'être, commença à contrôler et à frapper Monique, alors enceinte des jumeaux qui naîtront en juin 1968. Dominique devient la spectatrice terrorisée et impuissante de scènes de violence verbale et physique dès l'âge de cinq ans.
Jean-Daniel se disait amoureux de Monique, qui ne l'aimait pas du tout, en fait, mais il désirait plus que tout un fils pour honorer la descendance de la famille, son frère et sa soeur n'ayant pas d'enfants.
Monique mit au monde des jumeaux, un garçon et une fille. Il avait son fils. Il le prit sous son aile et l'éleva en traitant les femmes de la maison comme des moins que rien, maman, la jumelle et moi.
Je ne vous fais pas un dessin de la suite de mon enfance ni de mon adolescence car elle peut être difficile à imaginer, surtout pour des personnes qui n'ont pas connu la violence familiale. Jean-Daniel était un profond narcissique, manipulateur et pervers.
Pour moi, c'était normal de vivre ainsi, dans cette violence. Je ne connaissais rien d'autre aussi, quand j'arrivais chez des amis et y découvrais la gentillesse, les partages et, surtout, le respect et l'affection entre les conjoints, j'avais l'impression d'atterrir sur une autre planète.
L'empreinte de la petite enfance
Heureusement, j'avais vécu mes cinq premières années avec une maman enjouée, simple et avec de belles valeurs qu'elle a su m'inculquer. C'est grâce à ces années avant le remariage que j'ai su que l'amour, les rire, la complicité et beaucoup de belles choses à vivre en famille existaient. Aussi, quand Jean-Daniel n'était pas à la maison, on partageait de beaux moments avec maman. On riait, on apprenait des choses, on était bien élevés et heureux avec elle.
A sa façon, maman nous faisait toujours garder espoir en l'avenir et en de jours meilleurs. Elle avait trouvé comment vivre le moment présent à travers ce qu'elle vivait et à s'en satisfaire, par sécurité financière car elle n'avait pas le courage de se séparer définitivement de cet homme. Ce n'est que quand je lui ai annoncé que je partais vivre au Canada, en 1985, qu'elle a décidé de le quitter. Nous avons ainsi pris chacune un nouveau départ en 1986.
C'est grâce à maman que j'ai toujours su que l'Amour existait avant tout, même si elle ne nous le montrait pas. Elle n'avait jamais appris ni reçu de gestes d'amour mais on sentait qu'elle nous aimait de tout son coeur.
C'est grâce à cet Amour, et à mes expériences de mort imminente qui m'ont propulsée dans la Lumière d'Amour, que je me suis toujours accrochée pour ne pas sombrer, que j'ai toujours gardé espoir d'un jour meilleur, et j'ai réussi, après bien des années de thérapie et de bonnes personnes sur mon chemin, à trouver un espace de calme et de bonheur dans ma vie.
Lorsque vous êtes capable de pardonner, non seulement votre cœur s'ouvre, mais votre esprit peut également s'ouvrir à toutes sortes d'idées positives. - Oprah Winfrey
Pardonner pour se libérer
En 2004, j'étais en processus thérapeutique et j'étais arrivée à l'étape du pardon à Jean-Daniel afin de me libérer de ce poids de rancoeurs, de haine, de colère et de regrets que je portais à son sujet. Ces ressentiments qui nous rongent de l'intérieur alors que le principal intéressé - l'autre, le déclencheur - n'en est même pas conscient. J'ai donc fait le chemin thérapeutique du pardon avec ma thérapeute avant de partir en vacances en Suisse.
Durant ce temps en Suisse, je suis allée à la maison de Jean-Daniel. J'ai toqué et il a ouvert. Je n'avais pas averti. Il fut très surpris mais heureux de me voir. Je savais depuis longtemps qu'il m'aimait, à sa façon, qu'il était fier de qui j'étais devenu et ce que j'avais réussi. Il me l'avait montré et dit quelques fois. Lui non plus n'avait jamais su aimer car on ne le lui avait jamais montré, comme maman.
Nous avons papoté du présent et un peu du passé. Tout était calme entre nous. Je lui avais pardonné. Je me sentais bien. Je ne lui en voulais plus. Nous nous sommes embrassés presque tendrement et je suis partie. Il est mort quelques mois plus tard de la même maladie que Monique.
Pardonne et tu seras libéré, garde rancune et tu es enchaîné. - Proverbe africain
Quand j'ai quitté cette maison dans laquelle j'avais vécu beaucoup de choses dans ma jeunesse, j'ai su que c'était la dernière fois que j'y mettais les pieds. J'ai fermé le portail avec douceur en remerciant la Vie et moi pour ce chemin parcouru vers toujours plus de Paix dans mon coeur et dans ma vie. Je fermais la porte d'un passé avec lequel j'avais décidé de couper les chaînes qui me rendaient encore malheureuse et j'avais réussi.
Qu'il est bon de sentir que la Paix du Pardon fait totalement place à toutes les émotions négatives du ressentiment, créant une paix qui sera dorénavant toujours présente...
Je vous en souhaite autant, quoiqu'une personne ait pu vous faire de mal. Elle était là pour vous enseigner des choses sur vous.
De tout coeur,
Dominique Jeanneret
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