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"Le trou" de Hiroko Oyamada (穴) (Ana)

Par Cassiopea
trou

Le trou () (Ana)
Auteur : Hiroko Oyamada
Traduit du japonais par Silvain Chupin
Éditions : Bourgois (6 Avril 2023)
ISBN : 978-2267051667
160 pages

Quatrième de couverture

Le bourdonnement incessant des cigales et la chaleur ne facilitent pas les choses pour Asa. La jeune femme vient de déménager à la campagne, et elle tente de s’adapter à la situation. Si son mari a changé d’emploi, elle a perdu le sien, et elle vit désormais près de ses beaux-parents, soucieuse de remplir ses journées vides de toute occupation sérieuse. Asa se décide donc à explorer son environnement.

Mon avis

L’histoire se déroule au Japon. Asa et son mari, Muneaki, vivent en ville dans un appartement. Elle travaille en CDD, il est pratiquement impossible de décrocher un CDI. Ses heures supplémentaires ne sont pas toujours rémunérées. Son mari a un bon job mais rentre parfois tard. On ne sait pas trop ce qu’il fait, et quand il est chez eux, il passe beaucoup de temps sur son smartphone. Elle ne s’intéresse d’ailleurs pas tellement à lui, ni à ce qu’il pianote. Ils n’ont pas d’enfant. Lorsqu’il a l’occasion d’une meilleure situation, ils en parlent. Elle démissionne et ils partent vivre en milieu rural dans une maison que possèdent les parents du mari. Le loyer sera inexistant et l’époux sera proche de sa nouvelle activité.

Asa se retrouve bien seule, dans un coin plutôt perdu, pour ne pas écrire « un trou paumé », où il fait très chaud. Tellement chaud que les cigales sont très bruyantes, trop et ça en devient exaspérant. À côté les beaux-parents et le grand père ne se préoccupent guère d’elle… Là aussi, elle ne sait pas trop ce qu’ils font et ne s’interroge pas. Elle s’ennuie, se « fond » dans son nouvel environnement, ne sait que faire de ses journées. Avant tout était minuté, planifié, maintenant elle est libre de son temps et ne sait pas l’organiser. C’est un monde totalement différent de celui dans lequel elle a évolué jusqu’à maintenant. Elle est l’épouse au foyer type sauf que la progéniture n’est pas encore là…. Elle ne semble pas capable (ou alors elle n’a pas envie) de chercher autre chose, de se secouer pour sortir de cette routine assez insipide.

Un jour en se baladant, elle tombe dans un trou « juste à sa mesure ». À la manière d’un catalyseur, cette chute lui fait appréhender son environnement d’une autre façon. Le lecteur pénètre alors dans un univers onirique, fait de fantaisie sans pour autant basculer dans la science-fiction. Il y a une légère frontière entre réel et imaginaire. C’est totalement délicieux, magique. On est entraîné dans un récit fantasmagorique, délicat à l’écriture dépouillée, presque minimaliste. Les descriptions de scènes ou psychologiques sont esquissées, laissant libre court à notre esprit pour se représenter ce qui est évoqué.

Bien sûr cette aventure n’est pas sans rappeler celle d’Alice au pays des merveilles et ses rencontres. On peut faire un parallèle, même si Asa sort rapidement de la fosse et reprend sa vie quotidienne. Mais son regard a changé, elle observe, tous les sens en éveil. Était-elle une belle endormie qui n’avait besoin que d’un coup de pouce pour découvrir l’autre versant du monde qui l’entoure ?

Ce livre pourrait sembler improbable, bizarre mais il est absolument exquis. Il aborde à petites touches des problématiques japonaises importantes. Le travail pour les femmes, leur place dans le couple et la famille (on s’interroge sur Asa, a-t-elle vraiment eu le choix au moment du déménagement ?), leurs possibilités de prendre des décisions, de gérer, la relation à la maternité, avec le regard extérieur des uns et des autres.

Je me suis délectée de ce recueil. La prose fine, épurée, a un petit quelque chose de mélodieux qui retentit doucement en nous, nous emportant loin, très loin et c’est très agréable.


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