J'ai déjà écrit plusieurs fois sur l'inflation et me suis exprimé dans les médias, tant le sujet touche notre vie quotidienne. Après deux années de pandémie très difficiles à supporter en raison des confinements plus ou moins stricts mis en place, l'inflation a souvent été vécue comme le fardeau de trop pour les petites entreprises et les ménages. Mais en se contentant d'évoquer la perte de pouvoir d'achat et la dégradation des marges, l'on finit par oublier que l'inflation est avant tout un conflit de partage, donc un phénomène social ! Et dans ce conflit, certains agents économiques sont tirent mieux leur épingle du jeu que d'autres...
Un point sur l'inflation au sein de l'UE
Au niveau de la zone euro, le taux d'inflation annuel est estimé par Eurostat à 8,5 % en février 2023 et il ne fait toujours pas bon consommer dans les Pays baltes où ce taux flirte avec les 20 %. Si les prix de l'énergie ont été durant des mois la composante principale de cette inflation dans la zone euro, leur reflux a hélas été accompagné d'une hausse des prix sur d'autres biens et services comme l'alimentation :
[ Source : Eurostat ]
En France, sur un an, l'Insee estime que les prix à la consommation ont augmenté de 6,3 % en février 2023, en raison là aussi de l'alimentation et des services :
[ Source : Insee ]
Comme l'on pouvait le craindre, la hausse initiale des prix de l'énergie s'est répercutée dans les prix des autres produits du panier de la ménagère, dont l'alimentation. Le risque est alors grand que les considérations de qualité alimentaire soient reléguées au second plan, tout comme celles de transition écologique/énergétique.
Gagnants et perdants
Caractériser les gagnants et les perdants de cet épisode inflationniste nécessite de s'intéresser à plusieurs facteurs :
* l'indexation des salaires, et plus généralement le revenu, sur le taux d'inflation ;
* la capacité de négociation collective des salariés pour obtenir des hausses (durables) de salaire ;
* l'existence d'un stock d'épargne permettant de couvrir une baisse de pouvoir d'achat ;
* le taux d'endettement à taux variable ou fixe des agents économiques ;
* la capacité des entreprises à absorber la hausse des coûts de production ou à augmenter durablement leurs prix de vente pour maintenir leurs marges ;
* la capacité des entreprises à se positionner sur les segments de production/vente les plus rémunérateurs avec l'envolée des prix ;
Plutôt qu'un long discours, voici les conclusions auxquelles arrive Olivier Passet dans cette courte vidéo de Xerfi Canal, et qui me semblent pertinentes :
Quoi qu'il en soit, l'actuel épisode d'inflation ne peut se traiter comme dans les années 1970, ne serait-ce qu'en raison du changement important de mode de régulation capitaliste. Nous ne sommes plus dans un capitalisme fordiste, mais financier, comme le prouve la récente faillite de la banque SVB. C'est d'ailleurs le resserrement de la politique monétaire aux États-Unis, qui a conduit aux difficultés des banques. Pourtant, cela n'empêche pas les autorités monétaires d'appliquer au phénomène inflationniste les mêmes remèdes qu'il y a un demi-siècle, au risque de conduire à une baisse des salaires réels (c'est déjà le cas), donc à un recul de la demande globale et à une récession...