Vérité. Ainsi, la vieille pulsion est réveillée – et nous nous souvenons, soudain, que la France reste la France, même quand l’horizon paraît bouché. Donc, cette fois, le roi est nu: à bas le roi! Après moins de six ans de pouvoir, plus rien ne changera désormais. Quoi qu’il dise, quoi qu’il fasse, Mac Macron II a tout perdu à force de tout détruire, jusqu’à la légitimité de sa position comme de son incarnation. De mépris en coups de menton, le prince-président, en «Nabo » du XXIe siècle bien plus destructeur que Nicoléon en son temps (c’est dire), a poussé les feux du libéralisme technocratique au point d’essouffler définitivement ce qu’il subsistait encore de notre régime. Même en allant chercher très loin la parole des éditocrates qui, jadis, se complaisaient dans les plis du présidentialisme absolu, tout républicain un peu sérieux se pose dorénavant la seule question à la hauteur du moment: la Ve République a-t-elle vécu? Parvenus à ce point de crispation démocratique, sociale et institutionnelle, regardons la vérité en face. Le régime du monarque-élu se trouve totalement à bout de souffle. Et avec lui, le cadre représentatif a été martelé, humilié, démonétisé en quelque sorte, au point d’entraver l’action politique et d’attiser, à tous les échelons de la République, cette défiance croissante. Depuis son arrivée sous les lambris du Palais, Mac Macron I et II a poussé la verticalité jupitérienne jusqu’à la caricature. Résultat, le sentiment de fracture entre le chef de l’État et les citoyens connaît une aggravation si inquiétante et mortifère que tout retour en arrière paraît impossible, sinon inutile.
Violent. Ne soyons pas naïfs, Mac Macron en personne réfléchit à une sortie de crise, à la fin de son quinquennat, à la suite. Raison pour laquelle il songerait sérieusement cette fois à une «réforme des institutions» qui s’apparenterait plutôt à un accommodement de circonstances. Un chantier lancé à bas bruit. Mais pas moins explosif que celui des retraites. À son corps défendant, le dossier des retraites, de même que les passages en force au Parlement auront, paradoxalement, accéléré le processus de conscientisation politique du pays en tant qu’expérimentation du cadre institutionnel qui est le nôtre, aussi aberrant que violent. Les citoyens, atterrés, ont découvert dans le détail les travers de la Constitution, et par ailleurs ce qu’il serait possible d’en faire entre les mains de l’extrême droite – de quoi frissonner. Soyons réalistes: la Constitution, l’organisation des pouvoirs publics, la démocratie et donc la République ne correspondent plus aux attentes ni aux exigences de solidarité, de justice et à l’aspiration croissante à un nouveau mode de développement. Nous voilà parvenus à un point de non-retour aussi enthousiasmant que dangereux pour les équilibres fondamentaux de la nation. Un autre cycle, qui ne réclamerait pas de demi-mesure, peut-il dès lors s’ouvrir vers une VIe République? Elle aurait pour principe la compétence normative des citoyens, à savoir leur capacité d’intervenir personnellement dans la fabrication des lois et des politiques publiques. Rendons-nous bien compte que, à l’approche de son soixante-cinquième anniversaire, le régime fondé par le général de Gaulle est en voie de battre le record de longévité détenu jusqu’à présent, dans l’histoire constitutionnelle française, par la IIIe République (1870-1940). Trop, c’est trop…
Cruel. Certes, d’autres avant lui avaient déjà bien entamé le travail, mais le fossoyeur de sa propre fonction porte un nom: Mac Macron. En le regardant s’agiter, et même parler, cette semaine, le bloc-noteur songea à Victor Hugo, et au portrait cruel que le grand poète écrivit de Louis Bonaparte dans Napoléon le Petit, ce «personnage vulgaire, puéril, théâtral et vain», qui aimait «les grands mots, les grands titres, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir» et qui mentait «comme les autres hommes respirent». Le roi est nu. Et la vieille pulsion réveillée.
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 24 mars 2023.]