Roman - 270 pages
Editions Finitude - août 2022
Anna est une mère battante, une femme qui n'a pas la vie facile mais s'échine à la rendre meilleure pour son fils adolescent. Vivant dans un mobil-home, vendant des poulets avec sa remorque rôtissoire, elle y arrive, mais le jour où elle perd son outil de travail lors d'un accident de la route, les ennuis financiers s'annoncent très sévères. Contre son gré, son fils Léo l'inscrit à un jeu télévisé pour qu'elle tente sa chance. Le gros lot ? Un SUV d'une valeur de 50 000 euros qu'ils pourraient revendre pour se remettre à flots. Le jeu ? Le gagnant sera celui qui parviendra à rester le plus longtemps en touchant la voiture...Un jeu débile pour une émission télévisée de téléréalité finalement banale maintenant. Avec ce jeu auquel la mère de Léo finira par participer, l'auteur souligne le cynisme et le voyeurisme de cette société médiatisée, et de nos rêves (partir surfer les plus belles vagues, se racheter une rôtissoire) qu'on ne peut réaliser qu'avec elle. Ce n'est pas seulement le suivi de ce concours invraisemblablement réaliste et ironique, mais avant tout l'histoire de Léo qui est balloté entre son désir d'émancipation et de surf, sa mère en galère qui se cache pour fumer, son ennemi Kévin qui le rackette et l'humilie dès que possible, son père défunt qui lui a légué un trésor qu'il ne peut utiliser... Une relation mère-fils touchante.
Extrait :""Fous le camp". Anna obéit. Elle avait besoin de ça, aussi. Besoin qu'on lui enfonce bien la gueule dans sa gamelle, qu’on lui fasse bien comprendre le rouage mesquin qu’elle représente dans la grande machine à broyer les hommes."
Il y a longtemps j'ai lu du même auteur Chaleur, une dystopie autour d'efforts sportifs encore (rester le plus longtemps dans une eau à 110°C....)
Extrait : ""Qu'est-ce que tu veux, maman ?"
Elle lève les yeux et le regarde.
"Dans la vie, qu'est-ce que tu veux pour toi ?"
Léo a les yeux noirs et la peau mate de son père. Si on lui mettait une capuche et on le voyait cracher par terre, on pourrait penser que c'est un de ces voyous. En réalité, c'est l'enfant le plus doux du monde, il n'y a aucune méchanceté en lui. Lors des concours de surf, elle doit le motiver tant l'idée de compétition lui est étrangère. Et ce garçon-là est son fils. Et son fils lui demande pourquoi elle est tendue la plupart du temps, pourquoi ces plis d'amertume apparaissent aux coins de sa bouche. Pourquoi elle est incapable de se laisser aller à vivre pleinement, comme quand on marche avec sa planche sous le bras, que les pieds s'enfoncent dans le sable et que l'horizon est l'éternité."
Et puis il y a cette écriture, qui fait des pas de côté, qui interpelle, qui invective. Les corps solides est un roman que j'ai dévoré, jusqu'à la dernière miette, jusqu'au dénouement qui nous renverse.
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