Le débat semble ne jamais devoir trouver d'issue. Alors que nous évoquions l'avenir du secteur autour des concepts de banque en services, de places de marché, de plates-formes extra-financières…, tous fondés sur une perspective technologique et associés à une distribution centrée sur les canaux électroniques, resurgissait cette perception inébranlable que les clients requièrent et requerront toujours un échange face à face avec un expert lors d'opérations importantes telles qu'un emprunt immobilier.
Qu'il s'agisse d'un état de fait, à ce jour, est difficilement contestable. En revanche, qu'il soit considéré comme une sorte de fatalité est une erreur tragique, qui, en particulier, évite de s'interroger en profondeur sur la qualité des processus mis en œuvre. En effet, une fois le constat dressé, il est trop facile et extrêmement présomptueux d'estimer que les solutions fournies sont optimales et que si elles ne convainquent pas jusqu'au bout, c'est en raison d'une préférence de l'utilisateur et en aucun cas d'une imperfection.
Si la majorité des souscripteurs de prêts immobiliers terminent leur parcours par un rendez-vous avec un courtier ou un banquier, êtes-vous réellement certains que c'est par choix délibéré ? À quoi il faut peut-être ajouter une seconde question : au vu de la variabilité des compétences et du niveau de conseil d'un interlocuteur à l'autre (la plupart étant des généralistes, ne connaissant en outre pas intimement leurs clients), est-il véritablement souhaitable et pertinent de privilégier un tel modèle de relation ?
Derrière la provocation volontaire, mon propos vise surtout à inciter les responsables des dispositifs en ligne à ne pas se reposer sur leurs lauriers et à remettre en cause sans relâche l'excellence de leur travail. Il est probablement illusoire (surtout à court terme) d'imaginer que tous les demandeurs concluront leur prêt à distance, mais une bonne partie de ceux qui ne l'acceptent pas aujourd'hui sont d'abord motivés par les frictions, invisibles pour les professionnels, qui subsistent dans les applications existantes.
Passons sur les cas, trop fréquents, où la rencontre physique est imposée par l'établissement. Pensez aux visiteurs qui ne comprennent pas le jargon employé ou qui, à tout le moins, n'appréhendent pas clairement tous les termes du contrat qui leur est proposé. Réfléchissez aux questions qu'engendrent les lignes en petits caractères et sans explications au bas des formulaires. Recensez les clauses qui induisent des inquiétudes, légitimes ou non, et qui méritent des précisions. Et ainsi de suite. À chaque étape, s'il reste un doute, c'est une raison de plus de renoncer à une signature autonome.
L'argument classique brandi pour justifier une médiation humaine dans les démarches est celui de la supposée complexité du produit. Mais cette complexité est artificielle, introduite à dessein par la banque (à commencer par ses juristes), et le seul rôle du conseiller est, finalement, d'extraire une vision simplifiée (pas toujours exacte, ce qui crée des conflits) d'un enchevêtrement de conditions inextricables. Ne serait-il donc pas envisageable de formaliser cette version accessible et de la partager en amont ?
Plus largement, pour de nombreuses personnes, le fait de parler avec un individu présenté comme un spécialiste est un moyen un peu arbitraire de se rassurer. Plutôt que d'en rester là, ma recommandation serait donc d'explorer comment les outils « digitaux » peuvent aussi apporter cette sécurisation. Car je suis fermement convaincu que non seulement c'est possible mais encore que le client pourrait y trouver un surcroît de satisfaction, en lui laissant le loisir de focaliser son attention sur son projet (immobilier, en l'occurrence) au lieu de la disperser sur les détails (sordides) de son financement.