Tom Le Duault, mort au travail à l’âge de 18 ans

Le 30 mars prochain, se tiendra à Saint-Brieuc l'audience pénale concernant l'accident du travail qui a couté la vie à Tom Le Duault dans un abattoir en 2021. Le groupe agroalimentaire LDC est poursuivi pour homicide involontaire avec circonstance aggravante. Les parents de Tom, qui cherchent encore à comprendre les circonstances du drame, espèrent pouvoir avoir des réponses à leurs questions.

Un jeune reconnu pour son altruisme

Tom est né le 9 novembre 2002 à Saint-Brieuc. Il grandit à Plaintel dans les Côtes-d'Armor aux cotés de ses parents et de son frère ainé. Jean-Claude, son père, est artisan dans le bâtiment. " J'ai formé mon fils ainé que j'ai eu comme apprenti et avec qui je travaille aujourd'hui. Le weekend, Tom aimait nous accompagner sur les chantiers. On passait de bons moments tous les trois ". Après une scolarité au lycée Chaptal à Saint-Brieuc, Tom déménage à Rennes où il est étudiant en BTS technico-commercial au lycée Joliot-Curie.

Un élève discret, agréable et toujours joyeux dont l'altruisme est reconnu par ses camarades de promotion. " Une personne très généreuse qui n'hésitait pas à m'aider en cours ¹ " note l'un d'entre eux. " Je ne te remercierai jamais assez de m'avoir aidé lors d'un des passages de négociation. D'avoir accepté de m'aider malgré mes lacunes. Je t'en serais toujours reconnaissante " explique une autre. Ce souci des autres, Tom en faisait aussi preuve dans la vie quotidienne notamment le jeudi lors des soirées étudiantes qu'il aimait fréquenter. " Je me souviendrai toujours de la fois où tu m'as raccompagné jusqu'à chez moi en voiture un jeudi soir, pour être sûr qu'il ne m'arrive rien " se remémore l'un de ses amis.

Lors des vacances scolaires l'étudiant travaille dans l'agroalimentaire. " Accessoirement, il voulait gagner un peu d'argent mais surtout on lui avait inculqué la valeur travail " explique Isabelle, sa mère. " Il devait aussi partir aux Etats-Unis en décembre. Ça lui faisait un petit peu de pourboire pour son voyage ". C'est ainsi que Tom signe plusieurs CDD au sein de l'abattoir LDC ² (leader de la volaille en France) situé à Lanfains ², où sa mère est elle-même employée à un poste administratif. Au cours de l'été 2021, Tom, qui a alors 18 ans, effectue des opérations de manutention bien qu'il n'ait reçu aucune formation particulière pour occuper ce poste et notamment utiliser les machines. Début août, il est victime d'un premier accident du travail. " Il avait eu la jambe coincée entre un palbox et un mur". Blessé à la cheville, il est alors arrêté pendant trois semaines

" Je ne comprends pas pourquoi personne n'est resté avec lui "

Le lundi 25 octobre 2021, alors que les vacances de la Toussaint débutent, Tom est de retour au sein de l'abattoir pour effectuer le premier jour de sa quatrième mission sur le site de Lanfains. " Il a commencé la journée à 6h30 à un poste sans risque particulier. Il faisait de la mise en carton " se souvient son père. Mais vers 9h30, on lui demande de remplacer un salarié absent à un poste de manutention. Contraint à la polyvalence, Tom doit utiliser un gerbeur électrique afin de charger et décharger des caisses de plusieurs centaines de kilos d'escalopes et de cuisses de poulet.

Peu après sa prise de poste son binôme part en pause. " Je ne comprends pas qu'on ait laissé Tom seul à ce poste " se désole Isabelle. " Le collègue qui travaillait avec lui ne parlait pas français, il n'a même pas pu lui transmettre des conseils. Lorsque j'ai demandé pourquoi personne n'était resté avec lui on m'a répondu qu'il n'y avait pas assez de personnel ce jour-là ".

Sur les caméras de surveillance, on voit Tom rentrer dans un box frigorifique sur les coups de 9h50. Il n'en ressortira pas. Dans des circonstances qui restent floues, le jeune homme qui allait fêter ses 19 ans est écrasé par deux bacs de 500 kilos de volaille. " On ne sait même pas à quelle heure il est décédé, ni s'il a souffert, puisqu'il a fallu attendre 10h30 pour qu'un autre salarié entre à son tour dans le frigo et découvre enfin Tom " se consternent ses parents. Les secours ne pourront réanimer l'étudiant.

" Tom était quelqu'un de très prudent. Deux jours avant l'accident, il m'avait accompagné sur un chantier. Je me souviens lui avoir interdit de monter sur un toit pour une question de sécurité. Il était responsable et ne prenait pas de risque " explique Jean-Claude. Que s'est-il donc passé ce 25 octobre 2021 ?

Procès pénal le 30 mars 2023 pour homicide involontaire

Au lendemain du drame, une enquête pour homicide involontaire est diligentée. Elle débouche sur des poursuites contre l'entreprise LDC accusée d'avoir manqué à une obligation de sécurité et de prudence. Défaut de formation, absence d'équipement et de protection individuelle (EPI), dysfonctionnements de la machine, le procès qui aura lieu le 30 mars 2023 devrait permettre d'en savoir davantage sur les circonstances du drame.

Depuis la mort de leur fils, Jean-Claude et Isabelle Le Duault déplorent le manque d'informations dont ils disposent. Comme beaucoup de familles de victime, c'est un sentiment d'abandon qui les habite. Pour autant, ils se démènent pour que son histoire ne tombe pas dans l'oubli. Ainsi, un an après le décès de Tom, ils ont organisé une marche blanche. Le 29 octobre 2022 plus de 200 personnes ont arpenté les rues de Lanfains en mémoire du jeune costarmoricain. " Nous avons aussi proposé à ce qu'une plaque soit installée au sein de l'entreprise, là où Tom est décédé, mais nous nous sommes heurtés à un refus ". C'est avec la même détermination à rendre hommage à son fils que le couple s'est rendu à Paris le 4 mars dernier pour participer au rassemblement organisé par le Collectif familles : Stop à la mort au travail.

¹ Propos recueillis dans le livre d'or ² L'abattoir LDC de Lanfains (Côtes-d'Armor) a reçu une aide de l'état de 1,8 million d'euros en 2021, dans le cadre du plan France Relance.