Pour le président Emmanuel Macron, seuls les élus du peuple sont légitimes: lui-même - charité bien ordonnée commence par soi-même -, les parlementaires, les syndicats. Mais le peuple en soi, qu'il réduit avec mépris à une foule, ne l'est pas.
Quand il dit aimer ses compatriotes, il fait le tri. Ceux qui ne sont pas élus, ou qui ne lui sont pas soumis, sont des factions ou des factieux. Il y a pour lui des Français qui sont plus légitimes que les autres et avec lesquels il condescend à parler.
Il constate qu'il n'y a pas de majorité alternative puisque les deux motions de censure ont échoué, mais il oublie de dire qu'il n'a qu'une majorité relative et laisse à Mme Borne la responsabilité de n'avoir pas voulu soumettre sa réforme au vote.
Il prétend avoir le sens des responsabilités. Entre les sondages et le court terme, il choisit l'intérêt général, concept indéfinissable, qu'il est le seul à connaître, quitte - saluons sa bravoure ou bien sa témérité - à endosser l'impopularité du peuple.
Dans l'intérêt supérieur du pays, la réforme des retraites serait nécessaire et son seul regret est de ne pas avoir réussi à en convaincre les Français, alors qu'il est évident que la retraite par répartition, pour perdurer, ne peut garder les mêmes règles.
La retraite par répartition 1 est le problème, mais il n'est pas question de remettre en cause cette filouterie étatique, dont il est pourtant bien conscient qu'elle repose sur un système de Ponzi. Lors de son entretien télévisé du 22 mars 2023, il l'avoue:
Nous avons un système par répartition, ce qui fait que ce sont nous les actifs qui finançons aujourd'hui les retraites. On ne finance pas les nôtres.
Vu l'espérance de vie et la démographie, dit-il, il est nécessaire de réformer ce système, comme le firent Edouard Balladur en 1993, François Fillon en 2003 ou Éric Woerth en 2010, oubliant de dire qu'il faudra de toute façon recommencer...
Il est responsable mais pas coupable: ce n'est pas de sa faute si les comptes se sont dégradés; c'est la faute à la Covid, à la guerre, à l'inflation, qu'il a favorisées avec le quoi qu'il en coûte, les sanctions contre-productives, l'accroissement de la dette:
Pendant des décennies nous avons 2 habitué le pays à dépenser et à ne plus produire, ou produire de moins en moins.
Les Français ne comprennent pas qu'il y ait eu tant d'argent magique pour remédier à ces calamités étatiques et qu'il faille encore qu'ils paient de leur personne pour combler un petit trou comparé aux sommes colossales qui ont été dilapidées par ailleurs.
Pour ne pas discuter des sujets qui fâchent, le président Macron préfère parler d'avenir, c'est-à-dire d'autre chose, de réindustrialisation, de plein emploi, de loi de programmation militaire, de mieux-être à l'école, dans la santé ou l'environnement.
Il aura beau froncé les sourcils comme il l'a fait lors de l'entretien télévisé du 22 mars 2023, il n'est pas sûr que ses autosatisfactions sur le taux de chômage ramené à 7,2 % 2 et sur la réindustrialisation administrée par l'État dupent les Français.
Par ce froncement, les Français auront ressenti le mépris et non pas le souci qu'il a pour eux. Et ils ne l'auront pas cru quand il leur a dit qu'il aimait son pays et ses compatriotes, se souvenant de sa grossièreté à l'égard des soignants non-vaccinés.
Il joue avec le feu en divisant pour régner et en misant sur le pourrissement pour retourner la situation en sa faveur. Seulement ce plus grand commun diviseur n'a rien à perdre puisqu'il ne cherche pas à être réélu 4 , comme il le dit sans vergogne.
Francis Richard
1 - La retraite par capitalisation est taboue en France étatiste.
2 - Lui compris.
3 - Qui ne tient compte que des chômeurs de la catégorie A.
4 - La Constitution ne lui permet pas un troisième mandat.