Mes enfants savent combien j’admire cet artiste. Je ne sais plus qui m’a offert ce très bel album à Noël … Je m’y replonge de temps en temps pour, à chaque visite, entrevoir comme on regarde à travers le trou d’une serrure, surprendre une conversation, un moment d’accablement, un défi devant un miroir.
Avant de foisonner dans une masse de détails d’une finesse extrême, l’artiste jette sur le papier une silhouette furtive, une attitude immédiatement compréhensible par le spectateur-voyeur, aux traits encore irréguliers, parfois avec un début de légende vachard …
On y retrouve les thèmes classiques : la solitude devant l’infini du monde, la ville écrasante, l’enfermement dans ses fantasmes, les carences du dialogue … mais aussi l’appel de la nature, le plaisir de la musique …
Le trait n’est qu’épure … La biographie de Sempé nous en livre quelques secrets : son enfance difficile auprès d'une mère faisant sans cesse reproche à son père du fait qu’il ne trouvait pas de travail autre que le misérable boulot qu’il avait.
On le remarque dans la cruauté de ses dessins de femmes. Une enfance de rigueur où l’école est un refuge. Il commence à dessiner vers 12 ans, quitte l’école à 14 …
Ce recueil de dessins inaboutis contient en germe tout l’art de Sempé.
Il est précédé d’une courte préface de Patrick Modiano. Fourmillement d’idées, élagage de toute notation superflue, humilité même lorsqu’il atteint la notoriété internationale en créant les couvertures du New Yorker.
Fulgurance de la pensée, précision du mouvement, joie de l’amitié découverte à Paris avec René Goscinny …
On connaît la suite : on ne cessera plus de la célébrer avec les aventures du petit Nicolas. Des souvenirs de l’enfant Jean-Jacques qu’il n’aura jamais cessé d’être et qu’il nous permet de partager.
Sempé, carnets de bord, aux édition « Les cahiers dessinés », grand format, 238 p., 35€